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devoir, à nous autres femmes, est de nous dévouer aux blessés après la bataille.

— N’est-il pas également de consoler les âmes affligées ? » demanda le capitaine à la jeune fille qui le regarda d’un air étonné.

Suvanée se pencha vers le capitaine et murmura à son oreille :

« Ne lui dites rien de son père et de sa sœur. À quoi bon l’affliger !

— Ah ! s’écria Édouard Warfield en prenant spontanément les deux mains de la jeune fille, vous êtes donc Marian Holt ! J’en suis certain maintenant.

— D’où savez-vous mon nom ? lui demanda-t-elle avec émotion. Vous n’êtes pas, non, vous ne pouvez pas être des amis de John Stebbins…

— Ce nom a été prononcé souvent devant moi par un être qui vous est dévoué, et qui hait ce traître, par Franck Wingrove. »

La chasseresse rougit :

« Oh ! maintenant que vous me connaissez, monsieur, lui dit-elle, j’espère que vous ne refuserez plus de m’emmener avec vous dans le Tennessee, quand cela devrait vous détourner de votre chemin. Un ami de Franck Wingrove ne saurait être un égoïste. S’il vous a parlé de moi et des miens, vous devez comprendre mon désir de revoir ma chère Lilian.

— Je l’ai vue il y a un mois, dit le capitaine.

— Elle ?… où donc ?

— À la clairière de votre père.

— Lilian ! Vous l’avez vue, ma douce Lilian. Vous a-t-elle parlé de moi, a-t-elle oublié sa pauvre sœur ? et mon père, paraissait-il heureux ? »

Édouard Warfield pensa qu’il appartenait à Franck Wingrove plutôt qu’à lui d’apprendre à Marian les événements survenus dans sa famille ; il se borna à lui apprendre que son père et sa sœur se portaient bien quand il les avait vus et il ajouta :

« Puisque vous avez gardé un bon souvenir à Franck Wingrove, vous consentirez peut-être à accepter ses remerciements pour le service que vous lui avez rendu en le délivrant des mains des Arapahoes. »

Marian pâlit visiblement :

« Franck est ici ! dit-elle d’une voix émue ; il est ici, et le blessé, c’est lui sans doute ! Allons à lui.

— Non, chère Marian, je ne suis pas blessé, s’écria Franck Wingrove qui, ne pouvant maîtriser son impatience, était accouru. Je suis sain et sauf, et heureux, heureux comme je ne l’avais pas été depuis près de de huit mois que je n’ai pu vous parler. J’ignore par quel hasard je vous retrouve ici parmi ces Indiens ; mais il faut bien que vous sachiez ce que, mon ami et moi, nous sommes venus faire dans ces parages ; il faut aussi que vous nous aidiez à sauver votre sœur.

— Lilian ? s’écria la jeune fille, Lilian est en danger, et c’est pour elle que vous êtes ici ? »

Le bonheur de revoir Wingrove se mêla à des angoisses dans le cœur de Marian, lorsqu’il lui eut conté la trame ourdie par John Stebbins.

Il lui raconta en détail tous les événements survenus depuis son départ de la clairière, et quand ce récit fut terminé, elle tendit ses deux mains aux jeunes gens en les remerciant de leur dévouement.

« Je comprends, ajouta-t-elle, que vous ayez tout abandonné pour venir au secours de Lilian, mon cher Franck, et je ne sais que vous dire : c’est bien, je n’attendais pas moins de votre cœur ; mais je dois des actions de grâces à M. Warfield, qui s’est engagé dans cette aventure, poussé seulement par un sentiment d’humanité, et peut-être d’amitié pour vous.

— Ah ! Marian, répondit le capitaine, qui donc peut se flatter d’un complet désintéressement ? Wingrove vous l’a dit ; je voulais me confiner au Mud-Creek, y mener la vie retirée d’un squatter ; mais, à mon âge, la solitude est bien triste. Je rêvais de peupler la mienne d’une jeune famille… J’ai peu connu votre sœur Lilian, mais assez pour voir en elle la réalisation de ce beau rêve, et si votre père consentait à vivre avec moi et à me confier le bonheur de sa fille, je me trouverais trop payé des hasards, des dangers que j’ai courus pour obtenir sa main.

— Elle ne saurait choisir un mari plus brave et plus loyal, dit Marian, et je voudrais pouvoir vous appeler mon frère.

— Mais pensez-vous que nous parvenions à démontrer à votre père la bassesse du caractère de son ami ? lui demanda Édouard Warfield. La réussite de notre expédition est à ce prix.

— Oui, Marian, ajouta Franck Wingrove. Dites-nous comment Hickmann Holt vous a décidée à suivre Jolin Stebbins, pour que