Page:Reid - Aventures de terre et de mer, Hetzel, 1891.djvu/469

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Oh ! c’est Wingrove, sans doute, dit Édouard Warfield. Courons vite. »

À ce moment, la petite troupe d’Arapahoes arriva près de ses chevaux ; les Indiens se mirent vite en selle et se dirigèrent vers la troupe principale. Tout à coup, un cheval, qui portait deux hommes, sortit de sa ligne, et se dirigea au galop vers la quatrième division des Utahs. Ce cheval paraissait effrayé, hors de lui, et les deux hommes qui le montaient s’agitaient et paraissaient se quereller. Six Arapahoes se détachèrent vite de la troupe principale pour courir après le fugitif ; mais le cheval emporté les distançait, et, quand il arriva à deux cents mètres environ du front de bataille des Utahs, le capitaine se rendit compte de l’incident.

Le cavalier en croupe était Franck Wingrove. L’homme en selle était un Arapaho ; ils paraissaient liés l’un à l’autre par la ceinture ; mais les bras du chasseur serraient fortement les côtes de l’Indien et tenaient la bride de l’animal, guidant ainsi son allure.

S’apercevant que leur poursuite était vaine, les Arapahoes se replièrent sur le corps principal, se souciant peu de risquer leurs scalps dans une rencontre de leur petite avant-garde avec les Utahs. Edouard Warfield jeta un cri de joie en reconnaissant son camarade, et il se lança au galop pour aller à sa rencontre, suivi d’Archilète, qui ne quittait pas son nouvel ami.

« Hurrah ! capitaine, dit Franck Wingrove ; avez-vous votre couteau pour me séparer de l’Indien ? Au diable l’animal ; il doit avoir mal aux côtes, tant je les lui ai serrées. Je quitterais volontiers sa compagnie, et ce doit être réciproque de sa part. »

L’Indien avait fait de son côté des efforts inouïs pour se jeter à bas du cheval, et même parfois pour changer la direction de la monture ; mais les cordes liées autour de son buste, par une troisième personne sans doute, et qui avaient été serrées pour s’assurer du captif, rendaient l’Arapaho prisonnier à son tour. Édouard Warfield n’avait pas de couteau ; mais Archilète était muni de cette arme favorite des Mexicains, et il se précipita en avant pour délivrer le chasseur, pendant que celui-ci échangeait une chaude poignée de main avec son ami.

Peg-Leg coupa les lanières de cuir qui liaient les deux hommes, mais pas avant d’avoir enfoncé la lame de son couteau dans le cœur de l’Indien, qui poussa son sauvage cri de mort, pencha la tête en avant et roula comme une masse sur le gazon, dès que la lame ensanglantée eut tranché le lazo.

Cet incident n’avait pas beaucoup retardé les volontaires de la quatrième division. Cependant, lorsqu’ils retournèrent vers leur troupe, son premier rang avait déjà ouvert le feu contre les Arapahoes.


CHAPITRE XVIII
Le combat et la déroute. — Scalpé vivant ! — La colère d’Archilète. — Marian.


Édouard Warfield et Archilète avaient perdu l’avantage d’être au premier rang, et lorsqu’ils rejoignirent les Utahs, la fumée de la première décharge leur cacha le champ de bataille. Les Utahs s’étaient arrêtés et rechargeaient leurs rifles. Le capitaine pensa donc que les Arapahoes allaient s’acculer à la hutte Orpheline pour se défendre. Mais quand le nuage de poudre enflammée monta vers le bleu du ciel, il s’aperçut que l’ennemi lâchait pied de toutes parts et s’enfuyait dans la direction de la basse vallée. Il allait y rencontrer Wa-ka-ra. D’aucun côté, d’ailleurs, les Arapahoes n’avaient chance de s’échapper.