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— Oh ! puisque vous êtes décidé au retour une fois le but de votre expédition atteint, veuillez vous charger de moi. Je ne vous serai point un embarras. Je chasserai pour vous ; si d’autres Indiens vous attaquent, mon rifle en vaut un autre. Je n’ai rien des puériles frayeurs et des exigences des femmes civilisées. Mais, par grâce, emmenez-moi avec vous. Je ne puis plus rester ici, je m’y consume d’ennui. Les Utahs ont été bons pour moi cependant, mais il me tarde de retourner aux États-Unis pour y revoir l’être que je chéris le plus au monde.

— Une mère ? un fiancé ? demanda le capitaine, trop curieux pour être discret.

— Une sœur, dit la chasseresse, une aimable et belle petite sœur. Avant que je ne fusse séparée d’elle, je ne connaissais point toute la force de cette affection.

— Y a-t-il donc longtemps que vous l’avez quittée ?

— Il y a maintenant près de huit mois, et ce n’est point même le désir de contenter mon cœur qui me ramène vers elle, mais encore le devoir de la protéger mieux que je n’ai été protégée moi-même contre les embûches des méchants. Puisqu’on m’a tendu un piège, on pourrait essayer de l’abuser aussi, et comment saurait-elle se défendre, elle qui n’a point de sang rouge dans les veines, et qui est faible et douce comme une petite colombe ?

— Wa-ka-ra vous laissera-t-il partir ?

— Oui, certes ; il m’a promis de me chercher une occasion de retourner dans ma province. Brave chef ! il a tenu noblement sa parole à celui qui n’est plus.

— À qui donc ?

— À celui qui m’a sauvé la vie, à… Mais voyez, le chef approche ; le chant de guerre est terminé. Je vous ai parlé d’abondance de cœur, et bien confusément, je crois. Vous me reverrez après la rencontre, à la vallée de l’Huerfano, et je vous raconterai mon histoire avec plus d’ordre.

— Mais vous n’allez pas vous mêler à la bataille, je suppose ?

— Pardonnez-moi, monsieur. Les femmes suivent les guerriers à distance afin de soigner les blessés et de donner le dernier adieu aux mourants sur le champ de bataille, et je vais avec elles. »

La voix de Wa-ka-ra appelant l’étranger mit fin à ce dialogue. Jusque-là très intrigué par l’histoire obscure de la chasseresse, le capitaine chassa cette préoccupation de son esprit pour ne plus songer qu’au péril de ses camarades ; il sauta sur son arabe et rejoignit au grand galop la troupe des guerriers utahs dont la chevauchée se déroulait sur la plaine.


CHAPITRE XVII
Le plan d’attaque. — Histoire de la chasseresse. — Délivrance d’un ami.


La course fut rude et rapide. On atteignit bientôt l’endroit où le fugitif avait rencontré la chasseresse.

L’ardeur avec laquelle les Utahs avançaient prouvait combien ils prenaient l’expédition au sérieux. Ce n’était pas la vendetta de leur frère blanc qui les animait à ce point-là. Une ancienne hostilité existait depuis des siècles entre les Utahs et les Arapahoes, et des motifs de haine personnelle entre Wa-ka-ra et la Main-Rouge l’avaient encore accrue.

Le chef utah divisa sa troupe en quatre bandes d’égale valeur numérique ou à peu près.

La première, commandée par le chef lui-même, devait entrer dans la vallée de l’Huerfano par le cañon. Si les Arapahoes tentaient