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Et voyant de larges taches rouges sur les épaules du capitaine :

— Seriez-vous blessé, monsieur ? dit-elle. Où est votre blessure ?

— Oui, je suis blessé, et j’ai perdu beaucoup de sang ; mais je n’ai rien de grave.

— Qui donc vous a si maltraité ?

— Des Indiens auxquels j’ai eu la chance d’échapper, des Arapahoes.

— Des Arapahoes dans ces parages, s’écria-t-elle avec un singulier intérêt. Où donc les avez-vous rencontrés ?

— Sur l’Huerfano, à la butte Orpheline ; ils étaient commandés par un chef que l’on nomme la Main-Rouge.

— La Main-Rouge si près d’ici ! monsieur ; en êtes-vous bien sûr ? »

Édouard Warfield fit à la jeune femme un bref récit de l’événement, sans lui révéler ni le but de son expédition ni le nom de ses compagnons de voyage. À peine eut-il terminé sa narration, que la jeune femme s’écria d’un ton animé :

« La Main-Rouge sur l’Huerfano ! Bonnes nouvelles pour Wa-ka-ra. » Puis, après une pose, elle demanda en hâte : « Combien de guerriers la Main-Rouge avait-il avec lui ?

— Près de deux cents.

— Pas davantage ?

— Plutôt moins que plus.

— Ah ! tant mieux… Vous dites que vous avez un cheval près d’ici ; allez le détacher, et venez avec moi.

— Mais mes camarades ? Il faut que je suive la caravane afin de pouvoir ramener du renfort et les secourir.

— Inutile. Il y a près d’ici quelqu’un qui viendra plus vite à leur secours que ne saurait le faire l’escorte. Si l’on arrive trop tard pour les sauver, on vengera toujours leur mort. Vous dites que la caravane a passé ici hier ; vous ne pourriez pas l’atteindre et revenir à temps. Les Arapahoes seraient partis. D’ailleurs, il vous faudrait toujours passer par le cañon ; il n’y a point d’autre issue par ici, et vous pourriez rencontrer de leurs sentinelles.

— Je suis plein de confiance en vous, mais avez-vous le pouvoir de m’aider à secourûmes amis ?

— Oui, oui, vous le verrez bien ; mais allons vite à votre cheval. Nous n’avons pas de temps à perdre, si nous voulons retrouver les Arapahoes dans la vallée de l’Huerfano. Votre cheval pourrait-il nous porter tous les deux ?

— Facilement.

— Alors, à cheval, et donnez-moi la main. »

Le capitaine étendit sa robe de buffle sur la croupe de l’arabe, se plaça sur le bord de cette selle improvisée, et tendit la main à la chasseresse, qui s’enleva d’un bond léger, et s’assit derrière lui.

L’arabe n’avait pas besoin d’éperon. Il semblait comprendre qu’on avait besoin de la vitesse de son allure, car il partit au galop le long de la ravine.


CHAPITRE XVI
Le campement utah. — Wa-ka-ra et le trappeur mexicain. — La danse de guerre.


Tout en chevauchant en silence, Édouard Warfield faisait des conjectures sur les résultats possibles de cette étrange rencontre. Où allaient-ils ? Quel était le pouvoir de cette femme qui promettait d’aller arracher ses amis à une troupe de deux cents sauvages ?

Il ne pouvait exister aux environs un parti de trappeurs blancs assez nombreux pour attaquer avec chances de succès cette petite armée indienne. Quel était ce Wa-ka-ra que la chasseresse avait nommé ! Ce n’était point là un nom d’homme blanc.