Page:Reid - Aventures de terre et de mer, Hetzel, 1891.djvu/449

Cette page n’a pas encore été corrigée

Un second, un troisième essai des cavaliers rouges n’eurent pas un meilleur résultat. Ils recommencèrent encore en s’approchant plus près et encore plus près de la butte Orpheline, galopant dans toutes les directions, se croisant, se rencontrant, se heurtant, mais tenant leurs corps cachés derrière leur cheval, un bras sur le garrot et une jambe sur la croupe. Inutile de tirer, on n’aurait pu abattre que des chevaux. Quand une face bronzée apparaissait, on n’avait pas le temps de la viser qu’elle n’était plus là.

Ce jeu continua longtemps, avec des cris effroyables. S’enhardissant par l’impunité apparente, ou surexcités par tout ce mouvement, deux jeunes guerriers indiens s’approchèrent des chevaux des assiégés, et, couteau en main, se glissèrent près d’eux pour couper le lien qui les maintenait à l’arbre. Une ruade de l’arabe jeta par terre la monture de l’Indien, qui, dans son mouvement pour se relever, découvrit son corps au rifle de Sure-Shot.

« À celui de droite ! murmura-t-il au chasseur.

— Bon, je tiens l’autre, » dit Franck Wingrove.

Les deux coups partirent à la fois ; les deux Indiens tombèrent foudroyés.

Cette leçon fut suffisante. Avertis par le sort de leurs compagnons, les Indiens se tinrent hors de portée tout en continuant leurs bruyantes démonstrations. Il ne s’en trouva pas d’autre dans la bande qui fût désireux d’établir sa renommée à un tel risque de sa vie.


CHAPITRE XIII
Le point faible de la défense. — Pluie de mitraille. — La ceinture de feu. — Sortie désespérée. Prisonniers des Arapahoes.


Tout à coup un signal se fit entendre, et avant que le capitaine ne fût revenu de sa surprise, tous les cavaliers qui fournissaient le stampede galopaient dans la plaine en tournant le dos à la butte Orpheline.

Les chefs indiens s’étaient encore une fois rassemblés au milieu de la plaine. La Main-Rouge haranguait ses guerriers, et le dernier geste de son discours désigna le wagon capturé, qui était encore à l’autre bout de la plaine. Une douzaine de cavaliers partit dans cette direction. Les autres descendirent de cheval, et laissèrent leurs montures paître le gazon et se reposer.

« Quelle nouvelle machination ourdissent-ils ? demanda Franck Wingrove à son ami.

— S’ils n’ont pas l’intelligence du mal, ils en ont tout au moins l’instinct, répondit le capitaine. Ils vont chercher une machine de guerre presque aussi impénétrable à nos balles que le granit des blocs. Vous savez comment l’on rembourre les wagons destinés au voyage à travers les prairies ; ils vont amener ici le véhicule resté en leur pouvoir, et…

— Oui, voilà qu’ils y attellent leurs chevaux, et qu’ils reviennent sur nous à toute vitesse. »

Bientôt, en effet, les assiégés virent approcher le wagon. À soixante yards de la hutte, les sauvages dételèrent les chevaux, et, poussant le wagon par derrière, ils le lancèrent dans la direction de la butte Orpheline. D’autres étaient courbés sous les essieux et manœuvraient les rayons des roues, tous sans péril, protégés qu’ils étaient par l’épaisseur des planches. Leurs mains et leurs bras n’étaient même point visibles, car ils avaient étendu autour de la partie inférieure du wagon des robes de buffle et des couvertures.