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CHAPITRE XII
La Main-Rouge. — Un exploit de Patrick. — Le Stampede.


Tout à coup, le cri de guerre : « How-ov-owgh, aloo-oo ! répété par cent Indiens, retentit dans toute la vallée.

Examinant les lieux en stratégiste exercé, le capitaine dit à ses compagnons qu’il faudrait tirer dès que le premier Indien s’aventurerait à cinquante yards du monticule, mais alors seulement, parce que les armes ne devaient pas porter plus loin.

Les Indiens se massèrent dans la plaine et semblèrent se consulter. Leur terrible cri de guerre avait manqué son effet ; ils avaient à décider le plan du combat.

Quelques-uns avaient des fusils, une douzaine environ ; mais, d’après la façon maladroite dont ils chargeaient ces armes, les assiégés n’en étaient pas plus effrayés que des flèches qui s’éparpillaient tout le long de la butte,

On pouvait reconnaître les chefs aux plumes d’aigle assujetties dans leur chevelure et à divers insignes étalés sur leurs poitrines. Ils étaient tous groupés, leurs chevaux tête contre tête, discourant avec feu, comme il était possible d’en juger d’après leurs gestes.

Mais le bouclier d’un de ces chefs était remarquable entre tous les autres. Sur son disque noir était peinte une main sanglante.

Cette main rouge sur le bouclier rappela tout à coup à Warfield un chef renommé pour sa férocité envers les trappeurs, un sauvage prenant plaisir à torturer ses captifs, spécialement les faces-pâles assez infortunées pour tomber entre ses mains.

C’était un homme de haute taille, anguleux, courbé par l’âge, à face toute couturée de cicatrices. C’était bien là le redoutable Main-Rouge, chef des Arapahoes.

« Que Dieu ait pitié de nous, murmura Édouard Warfield.

Le conseil des sauvages était fini. La Main-Rouge s’avança de deux longueurs de cheval de la limite observée par les autres Indiens, en tenant son bouclier élevé, beaucoup moins pour se garantir d’une balle que pour montrer sa devise aux assiégés et leur en imposer par la terreur attachée à son nom. Son autre main portait un objet beaucoup mieux fait pour émouvoir les hommes blancs ; c’était une pique qui soutenait à son extrémité six scalps frais et sanglants, les scalps des émigrants tués. Leur surface humide brillait au soleil, le sang n’étant pas encore sec. Malgré leur courage, les assiégés eurent peine à regarder ce hideux trophée.

« Parlez-vous espagnol ? cria tout à coup au capitaine le chef indien dans cette même langue.

— Oui, caballero, répondit Édouard Warfield. Que désire le chef à la main rouge ?

— La face pâle est un étranger dans ces parages. Autrement il ne m’adresserait pas cette question. Ce que désire la Main-Rouge ?… Ah ! ah ! ce sont les scalps des hommes blancs, leurs scalps et leur vie… c’est là la volonté du chef Arapaho. »

Ce petit discours était prononcé d’un ton joyeux, accompagné d’un rire méprisant.

« Nous ne sommes pas vos ennemis, reprit le capitaine. Pourquoi désirez-vous prendre nos vies ? Nous sommes de paisibles voyageurs traversant votre pays ; et nous souhaitons ne pas nous quereller avec nos frères rouges.

— Frères rouges ! Ha ! ha ! ha !… Langue de serpent et cœur de lièvre ! Le fier Arapaho n’est pas votre frère, il dénie toute parenté avec les faces-pâles. Tous les blancs sont les ennemis de la Main-Rouge. Voyez leurs scalps sur son bouclier. Ugh ! Comptez ces trophées nouveaux sur sa pique. Il y en a six.