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il leur fut facile de voir que des chevaux l’avaient récemment traversé.

« Qu’en dites-vous, capitaine ? demanda le chasseur. Pensez-vous que ce soit un parti de cavaliers appartenant à la caravane qui a voulu prendre par le plus court ?

— Je pense, répondit le capitaine, qu’un grand parti d’indiens a passé récemment dans le cañon… Maintenant, que faut-il faire ? Le défilé ne s’élargit nulle part assez pour qu’il nous soit possible de nous grouper et de nous arrêter, et puis, ce parti aurait bien ses dangers. Si les Indiens nous croisaient, ils nous prendraient comme des souris dans une trappe. Revenir sur nos pas, c’est laisser gagner de l’avance à la caravane, et puis, ne faudra-t-il pas toujours traverser le cañon, aujourd’hui ou demain ? Nous voilà d’ailleurs à la moitié du défilé, et les Indiens peuvent s’être déjà dispersés dans la plaine de façon à ne pas nous apercevoir quand nous sortirons. Voyons, camarades, faut-il avancer ?

— Certainement, » dit Franck Wingrove.

Et la petite troupe poursuivit sa route.


CHAPITRE XI
La butte Orpheline. — Le wagon capturé. — En attendant l’assaut.


La petite troupe continua donc d’avancer dans le défilé, et atteignit l’autre bout du cañon juste au moment où passa dans l’air le bruit d’une fusillade éloignée. Les sons venaient de la vallée, et ils étaient couverts par le mugissement de l’Huerfano ; mais aucun de ces hommes habitués à l’écho des coups de feu ne pouvait s’y tromper : c’était là un tir simultané de plusieurs douzaines de rifles, peut-être un combat entre un parti d’indiens et la caravane.

Cela exigeait de la prudence. Laissant en arrière Sure-Shot et l’Irlandais qui tenaient les deux mules par la bride, le capitaine et le chasseur firent une reconnaissance. Au sortir du défilé, ils gravirent un rocher devant lequel un bouquet d’arbre les protégeait contre les observateurs indiens. Leur premier coup d’œil sur la plaine leur arracha un cri de joie : la caravane était en vue.

Le paysage qu’ils avaient sous les yeux était admirable. Bien qu’il fût nouveau pour les yeux d’Édouard Warfield, celui-ci le reconnut par les descriptions qu’il en avait lues. C’était là la vallée de l’Huerfano, et la butte isolée qui s’élevait au milieu était bien la « hutte Orpheline ». Il ne pouvait s’y méprendre.

Édouard Warfield et Franck Wingrove oublièrent un instant leurs préoccupations et même leurs périls pour admirer le beau paysage étalé sous leurs yeux.

Ils se seraient même longtemps absorbés dans cette contemplation, si la vue d’un objet lointain, à l’autre bout de la vallée, ne fût venue changer le cours de leurs idées. C’était comme un point blanc, pas plus large que le disque d’une cible. Il était d’une rondeur irrégulière, et l’on pouvait distinguer à ses côtés de petites formes brunes allant et venant. Il n’y avait pas à s’y tromper, cet objet était le toit d’un wagon et les formes sombres autour étaient des hommes, à pied et à cheval.

Les premières, à n’en pas douter, étaient des Indiens, Édouard Warfield distinguait bientôt la peau bronzée de leurs corps à demi nus, les plumes qui ornaient leurs chevelures flottantes, les draperies roulées autour de leurs bustes. Quant aux autres, c’étaient tous des hommes blancs, les possesseurs des wagons, apparemment. D’autres étaient étendus sur le gazon, et lorsque le capitaine put se rendre compte, à l’aide de sa lorgnette, il vit qu’un de ces corps gisait la tête tournée du côté de la butte Orpheline, avec une couronne sanglante au milieu d’un crâne dé-