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même ; leurs traces ne différaient que par la grandeur, mais tellement que les chaussures du petit avaient à peine les deux tiers de la longueur des souliers de son camarade. Ces derniers souliers étaient remarquables par leur taille énorme, qui était de treize pouces anglais.

En notant cette particularité, le chasseur Laissa échapper un rire d’étonnement.

« C’est là un pied qui en vaut deux, dit-il ; on n’a pas besoin de demander si c’est Longues-Jambes qui a laissé là son signalement. Ah ! ah ! si je ne l’avais pas aperçu, je pourrais m’imaginer qu’il y a des géants dans la forêt. »

Édouard Warfield ne répondit pas à cette saillie, car il était préoccupé de vieux souvenirs. Il croyait reconnaître ce pied démesuré.


CHAPITRE IX
Le pied de roi. — Sure-Shot et Patrick O’Tigg. — Une histoire difficile à croire. — L’alerte.


Apres avoir avancé quelque peu, les deux amis perdirent les traces des fugitifs, à peine imprimées sur le gazon sec ; ils les retrouvèrent plus loin, aussi profondes que la première fois et le capitaine retomba dans sa préoccupation.

Il s’arrêta devant la longue empreinte, et tout à coup son souvenir devint plus précis… Il avait vu ce pied placé dans un étrier avec un éperon mexicain à son talon. Sans doute, le fugitif orné de bases si solides était un de ses vieux compagnons de campagne, un vétéran des éclaireurs.

La figure, vue à travers la lunette de campagne, confirmait cette croyance… Les longues jambes, les grands bras, la démarche dégingandée… Eh ! oui, c’étaient là les formes caractéristiques de l’architecture corporelle de… Jephthali Bigelow.

« Me voici à peu près fixé, dit gaiement Édouard Warfield au chasseur. L’homme au « pied de roi » est mon vieux soldat Jephthali Bigelow que tous les hommes du corps appelaient Sure-Shot (coup de fusil sur) car jamais plus adroit que Jeph n’a touché un rifle. Ce que peut être le petit bonhomme tout rond, je ne devine pas… à moins que ce ne soit un certain Patrick, qui était son ami et servait dans mon corps et dont l’embonpoint et la tournure se rapporteraient assez au profil de l’homme à la brouette. Il faut les trouver absolument.

Ils marchèrent l’espace d’un mille depuis l’endroit où ils avaient laissé leurs montures, quand tout à coup la trace de la brouette cessa. Le sentier continuait cependant ; mais si elle y avait passé, c’était sur les épaules des fugitifs. Pendant que les deux amis se consultaient pour savoir que faire en cette occurrence embarrassante, un son frappa leurs oreilles. Ils crurent d’abord que c’était le bruit d’une chute d’eau un peu éloignée, et résolurent, sauf à revenir sur leurs pas, d’aller reconnaître le fait. Ils marchèrent environ cent yards dans cette nouvelle direction à travers le taillis, et ils finirent, en s’approchant, par distinguer que c’étaient des voix humaines que le silence de la forêt leur avait permis de percevoir. En même temps, une réflexion lumineuse sur les arbres leur révéla le feu d’un campement. Ils approchèrent avec mille précautions, en se tenant toujours sous le fourré, et ils aperçurent deux hommes assis à terre devant un foyer alimenté par des branches mortes et, auprès d’eux, tout illuminée par les flammes rouges et bleues, la brouette !

Le petit homme était assis à la façon des