Page:Reid - Aventures de terre et de mer, Hetzel, 1891.djvu/430

Cette page n’a pas encore été corrigée

CHAPITRE VII
L’horloge du Cheval-mort. — Le brouillard blanc. — Expédition manquée.


Si les motifs qui poussaient les deux jeunes gens n’étaient pas identiques, leur ennemi était le même. Punir sur John Stebbins son aide à l’expatriation de Marian, tel était le but de Franck. Arracher à cet homme la pauvre Lilly et son père abusé, tel était le rôle que s’attribuait Édouard Warfield. Tous les deux convinrent de leur plan de poursuite.

Que Holt fût parti avec John Stebbins, la lettre de Lilian en faisait foi ; s’ils étaient encore dans les limites du seulement ou sur une des routes qui y aboutissaient, il y avait encore chance de les atteindre. Mais si ces conjectures étaient fausses ?… Que faire dans l’indécision ?

Les deux jeunes gens convinrent d’explorer la plantation de Holt, afin de voir si quelque indice les mettrait sur la piste de la route suivie par les voyageurs.

En entrant dans l’enclos du squatter, ils mirent pied à terre et commencèrent à examiner les moindres « signes » avec la minutieuse exactitude des Indiens.

Il n’était pas probable que les voyageurs fussent partis à cheval ; les ustensiles de la maison auraient eu peine à être transportés de cette manière. Ils n’avaient pas non plus pu les emporter sur un chariot, car nulle route aux alentours de la clairière n’était assez large pour donner passage à un véhicule monté sur des roues.

Toutes ces impossibilités amenèrent les jeunes gens à la conclusion vraisemblable : Les Holt et Stebbins étaient partis en canot ; Wingrove connaissait bien la barque du squatter. Elle était creusée dans un arbre, et il s’en servait pour passer de l’autre côté de Mud-Creek. Ce canot était assez large pour porter plusieurs personnes chargées d’un bagage volumineux. Évidemment, c’était ce mode de départ qu’avaient adopté les voyageurs, et c’était le pire des cas dans la donnée d’une poursuite.

Voilà ce que se disaient les jeunes gens en allant vers la rive. Le Creek était trouble comme leurs pensées. Son courant précipité entraînait des troncs déracinés, dont les branches se tordaient en s’enfonçant, comme des bras de noyés appelant au secours. Ce spectacle était à l’unisson de leurs pensées, et ils n’en furent arrachés que par le bruit de pas s’avançant vers eux, et qui les fit tressaillir du même espoir. Étaient-ce Lilian et le squatter qui revenaient ?

Lorsqu’ils virent que ce n’était que l’Indienne Suvanée qui s’approchait, ils lui en voulurent tellement de les avoir déçus, que, sans se dire d’abord qu’ils pourraient tirer d’elle quelque renseignement utile, ils lui firent une réception peu bienveillante.

« Que venez-vous encore faire ici, fille ? lui demanda le chasseur.

— Que viennent faire ici l’Aigle blanc et le Tueur de panthères ? dit-elle sans se déconcerter. Pensent-ils que le chemin qui marche aura gardé la trace d’Hickmann Holt ? »

Édouard Warfield se tourna vers elle et lui répondit vivement :

a Si vous savez de quel côté il est parti, dites-nous-le, Suvanée, et je vous donnerai telle récompense que vous me demanderez ?

— Suvanée n’est pas intéressée, répondit fièrement l’Indienne ; Suvanée ne veut pas recevoir de l’argent pour ses paroles ; mais elle parlera à une condition.

— Laquelle ? demanda le chasseur avec toute l’impatience de la curiosité.

— D’abord, il faut que je sache ce que vous allez faire. Suvanée se trompe-t-elle en