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— Dites votre avis, monsieur, je vous en serai très obligé, répondit le capitaine avec politesse, mais sans que l’aversion que lui inspirait ce personnage diminuât.

— Cent dollars me sembleraient une juste compensation des travaux de Hickmann Holt dans cette clairière.

— Serez-vous satisfait de cette somme ? demanda le capitaine au squatter.

— Très satisfait, si toutefois vous me la payez comptant, répondit Holt.

— Marché conclu.

— Très bien, vous pouvez me délivrer les dollars, et je vous certifierai la livraison de tout ce qui m’appartient ici, par devant ce gentleman qui sera témoin du reçu, si vous le souhaitez.

— Je n’ai pas besoin de reçu. Je puis me fier à votre parole, » dit le capitaine.

« Quand désirez-vous prendre possession de votre bien ? lui demanda Holt après avoir empoché les dollars.

— À votre convenance ; prenez votre temps, dit courtoisement Édouard Warfield.

— Oh ! il ne me faudra pas longtemps pour déménager ; mes biens mobiliers ne sont pas encombrants. Vous plaît-il de revenir après-demain pour que je vous livre la propriété ?

— Très volontiers. À après-demain matin, Hickmann Holt. »

Édouard Warfield sauta sur son cheval, contrarié de n’avoir pas pu saluer Lilian ; comme il s’approchait de la barrière, il l’y vit qui enlevait les barres afin de lui livrer passage.

« M’en voulez-vous, lui dit-il, maintenant que vous savez que je vous chasse d’un lieu qui peut-être vous était cher ? Ce serait pour moi un grand regret, et même une douleur de vous en éloigner à tout jamais. Savez-vous ce que compte faire votre père et où il veut s’établir ?

— J’ignore quels sont les projets de mon père, dit-elle ; mais je ne puis vous en vouloir, monsieur, d’avoir réclamé votre bien, et que je reste ici ou que je m’éloigne, je n’oublierai pas… mon sauveur. »

La voix de la jeune fille tremblait légèrement pendant qu’elle articulait ces deux derniers mots, et le capitaine de son côté s’attardait à ajuster la bride de son arabe pour le faire plus longtemps stationner près de la barrière, quand une voix partant de la hutte appela Lilian. La jeune fille tressaillit et disparut après avoir fait un signe d’adieu au capitaine qui reprit lentement le chemin de Swampville.

Édouard Warfield sut retrouver sa route, en dépit de quelques distractions. Le second achat de sa propriété exigeait qu’il eût recours à l’obligeance de son ami Blount pour le petit capital nécessaire à ses dépenses d’installation. L’important, pour le capitaine, était d’arriver d’assez bonne heure à Swampville pour profiter du départ de la malle.

Il arriva à temps, et quand il eut écrit à son ami, et qu’une nuit passée dans une assez bonne chambre de l’hôtel Jackson l’eut reposé des fatigues de ses courses forestières, il se crut déjà installé à la clairière, n’en chassant ni Holt ni sa fille, mais avec la permission du squatter, offrant à celle-ci son cœur et sa main.

Ce fut en caressant ces projets que le capitaine reprit, le surlendemain, à la pointe du jour, le chemin du Mud-Creek.