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stables, répondit le capitaine, ni rien qui ressemble à un magistrat.

— Alors, qui êtes-vous donc, monsieur Boutons-dorés ? »

Edouard Warfleld, qui commençait à perdre patience, rappela à lui tout son sang-froid :

« Mon nom, répondit-il…

— Eh ! interrompit le squatter, je me moque bien de votre nom. Dites-moi votre affaire, c’est la seule chose dont je me soucie.

— En premier lieu, monsieur Holt, répondit le capitaine avec dignité, je veux un traitement plus civil de votre part ; en second lieu… »

Un horrible juron du squatter interrompit la phrase d’Édouard Warfield.

« Damnation ! mille tonnerres ! Vous êtes un beau compagnon d’exiger un traitement civil après avoir fait passer votre cheval par-dessus mes barrières, et vous être introduit dans ma clairière sans mon aveu !

— Votre clairière ! Êtes-vous sûr qu’elle soit vôtre ? »

Le squatter devint pourpre ; les veines de son front et de son cou se gonflèrent ; il serra ses poings noueux et s’écria d’une voix rauque :

« Ma clairière n’est pas à moi !… Montrez-moi l’homme qui ose soutenir une telle fausseté. Par le sang et la mort, il n’osera pas le répéter deux fois.

— Avez-vous acheté ce terrain, monsieur Holt ? » demanda le capitaine sans s’émouvoir.

« C’est moi qui l’ai défriché, qui l’ai mis en valeur, et ce mode d’achat vaut mieux que les autres. Tout ce qui est ici est ma création et qui oserait m’en déposséder ?… Mais, au fait, en quoi cela concerne-t-il monsieur Boulons-dorés.

— D’une façon toute particulière et fort directe, monsieur Holt, répondit le capitaine en exhibant ses titres de propriété. Votre maison est située sur la section n° 9 que le gouvernement des États-Unis m’a concédée. Il faut donc, ou que vous vous autorisiez du droit de préemption pour me payer votre terrain, ou que vous me livriez mon domaine. Voici la concession légale. Il vous est loisible de l’examiner. »

Une volée de jurons fut la première réplique du squatter : « Je me suis douté de la chose, dit-il quand il eut ainsi satisfait son humeur irascible, mais vous êtes venu ici jouer le personnage d’un fou. Au diable la concession légale ! au diable vous-même ! J’ai dans ma maison un document de mon droit de préemption ; je vais vous le montrer, et nous verrons comment vous le trouverez. »

Le squatter rentra dans sa cabane et en ressortit presque aussitôt, portant un long rifle.

« Voilà mon titre, dit-il ; mon droit de préemption est au bout de mon rifle, et maintenant, tournez les talons, et plus vite que cela. »

Édouard Warfield resta immobile.

« Vous ne voulez pas ?… Par l’enfer, vous ne voulez pas ?… Si vous ne quittez pas ma clairière en six sauts d’écureuil, vous n’en sortirez jamais en vie. Vous voyez ce tronc d’arbre, son ombre s’avance vers la maison. Lorsqu’elle arrivera au mur, je tirerai sur vous, aussi vrai qu’Hick Holt est mon nom. Vous êtes un homme averti.

— Je vous avertis également, M. Holt, que je suis disposé à me défendre, et si vous me tuez, la loi considérera cette action comme un assassinat et le fait d’un lâche. »

À ce mot, le squatter recula d’un pas.

« Assassin ! dit-il sourdement. Non, je ne veux pas être appelé assassin. Je n’ai pas l’intention de vous assassiner, mais je ne veux pas non plus vous laisser partir. Vous m’avez appelé lâche, et, par l’Éternel ! pas un homme vivant ne pourra se vanter de m’avoir fait impunément cette insulte.

— Je le répète, votre résolution était d’un lâche cœur, dit avec un grand sang-froid Édouard Warfield. Jugez-en par vous-même : J’ai là un revolver chargé à six coups. Je pourrais vous envoyer six balles à travers le corps avant que vous n’eussiez le temps d’épauler votre rifle. Comment appelleriez-vous cette action de ma part ? Ne serait-ce pas un lâche assassinat ? »

La physionomie du squatter fut bouleversée par cette logique, comme s’il eût été sensible à cet appel fait à sa conscience.

« Vous ne répondez rien, Hickmann Holt, » continua le capitaine.

Les lèvres du squatter blanchirent de colère.

« Je ne suis point si soucieux de ma vie que je craigne de la risquer, dit-il. Quoique vous soyez une créature condamnée, je ne veux pas que vous m’accusiez de mauvaise foi. Nous allons nous battre en combat franc.

— Ah ! un duel. Je l’accepte…