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de fer dans un gant de velours… Adieu, monsieur, et bonne chance ! À mon compte, vous devez vous trouver dimanche matin sur les bords de l’Antilope. »

Van Dyck salua et se dirigea vers son cheval. Aussitôt le commandant, se retournant vers Armstrong :

« Bon succès, mon cher enfant ! fit-il d’un ton presque tendre en lui tendant la main. Suivez votre étoile, et vous ferez honneur, j’en réponds, à notre vieille école de West-Point… Adieu, monsieur. »

Frank Armstrong se sentit si touché de ces affectueuses paroles, que les larmes montèrent à ses yeux.

« Adieu, mon commandant !… Merci, monsieur ! » balbutia-t-il.

Au même instant, la voix du lieutenant Van Dyck donna l’ordre de former les rangs. Il y eut un trépignement de chevaux sur le gazon desséché, — puis une pause, — un en avant marche ! et la petite troupe défila silencieusement vers la porte du fort, pour aller se fondre dans les ténèbres.

Le commandant était resté à la même place et les regardait s’éloigner. C’est seulement quand il eut vu disparaître le dernier dragon de la file, qu’il se décida à rentrer chez lui. Tout en marchant, il parlait à demi-voix en faisant claquer ses doigts.

« Ce petit garçon m’a l’air de n’avoir pas froid aux yeux, disait-il. Mais, quant à ce M. Van Dyck, je réponds que, si celui-là laisse jamais la peau de son crâne sur la prairie, c’est que son cheval aura absolument refusé de le mettre hors d’atteinte. À moins, sur ma foi, que les Peaux-Rouges ne le surprennent un beau jour dans les vignes du Seigneur !… Ah ! cette eau-de-vie ! quelle malédiction ! »


CHAPITRE VI
LA SOIRÉE DU COMMANDANT

Le samedi suivant, vers dix heures du soir, il y avait fête au quartier général du fort, et les deux salons de mistress Saint-Aure étaient pleins de monde. À la vérité, les hommes et spécialement les officiers y étaient en majorité ; mais il y avait pourtant une vingtaine de dames, les unes appartenant à la population ordinaire du fort, les autres en visite et attirées, avec leur frère ou leur mari, soit par l’espoir d’assister à une grande chasse, soit par l’intention d’acheter quelques lots de prairies voisines, soit simplement par la curiosité.

De ce nombre était la famille Brinton, arrivée du matin même, et l’on peut croire que Juliette et Nettie avaient déjà tout un état-major autour d’elles.

« Mistress Peyton, disait le sous-lieutenant Hewitt à une jeune femme qui venait d’entrer, j’en appelle à votre témoignage ! Voici miss Brinton qui ne veut pas me croire, quand je lui assure que les dames viennent avec nous à la chasse à courre »

— Assurément, répondit mistress Peyton en souriant. Pour mon compte, j’accompagne toujours mon mari dans ces occasions, quoique je n’emporte pas de carabine. Mais il y a des dames qui viennent armées, et pas plus tard que le mois dernier une jeune fille du Kentucky, qui était avec nous, a tué trois buffles de sa propre main. »

Juliette Brinton parut presque révoltée de cet exploit, tandis que sa cousine Nettie s’écriait : « Vraiment ! trois buffles de sa propre main ? Elle devait être joliment fière ! Il faut absolument que j’essaye d’en abattre au moins un, à la grande chasse que nous promet le commandant.