Page:Reid - Aventures de terre et de mer, Hetzel, 1891.djvu/392

Cette page n’a pas encore été corrigée

lady vous entendra et vous parlera en moins de dix minutes. »

Le colosse commença à chercher dans la hutte, n’oubliant ni une des crevasses ni une des fentes dont la case était abondamment fournie ; Cubissa et Herbert, trop émus pour parler, attendaient avec anxiété le résultat promis.

Le savoir du lieutenant des Marrons égalait presque celui du myal-man. Quaco était le médecin de la troupe. Dans l’exercice de ces dernières fonctions, il avait acquis quelques connaissances du système d’Obi, et de certains secrets dont les myal-men croient seuls avoir la possession.

« Ah ! voilà mon affaire ! s’écria-t-il tout à coup en élevant dans sa main droite une petite bouteille qu’il déboucha avec soin et qu’il porta à ses narines. Master Vaughan, soulevez la tête de votre cousine pendant que je ferai couler dans sa bouche quelques gouttes de cette liqueur. »

Herbert s’empressa d’obéir ; Quaco entr’ouvrit les lèvres de Kate avec toute la délicatesse possible ; il y fit tomber une partie du contenu de la fiole, puis, prenant dans ses mains calleuses les petites mains de la jeune fille, il essaya d’y ramener le sang par des frictions.

Le cœur d’Herbert battait violemment. En dépit de tous ses efforts, il ne pouvait maîtriser son anxiété ni prendre confiance dans l’assurance du lieutenant.

Mais cinq minutes, cinq siècles ! s’étaient à peine écoulées depuis l’ingestion de la bienfaisante liqueur, quand la poitrine de la jeune fille commença à se soulever ; et un faible soupir s’échappa de ses lèvres !

Enfin la respiration devint régulière, le visage se ranima, et ouvrant les yeux, Kate regarda autour d’elle, reconnut son cousin, et laissa échapper d’une voix peu distincte encore, le nom d’Herbert.

Le jeune homme s’agenouilla devant le lit de bambous, incapable de répondre par une seule parole à cet appel de sa cousine. Ce fut Cubissa qui calma les terreurs renaissantes qui envahissaient Kate à mesure que le souvenir du passé lui revenait.

« Comptez sur nous pour vous défendre, miss, lui dit-il, votre cousin a dévoué sa vie pour vous sauver, et nous avons juré de l’aider de tout notre pouvoir. Comptez sur nous tous.

— Oh ! merci, Herbert, dit Kate entendant les deux mains à son cousin. Quand mon père saura ce que vous avez fait pour moi, il vous aimera comme un fils, et il vous suppliera d’oublier… ce qui m’a fait tant de peine à moi. N’est-ce pas que vous pardonnerez à mon père ?

— Je lui ai déjà pardonné, Kate, » répondit le jeune homme qui n’osa pas révéler à la jeune fille la mort du custos.

Cette effusion du cœur des deux cousins se prolongea quelque temps pendant que Cubissa concertait avec Quaco le moyen du retour. Le capitaine prit enfin Herbert à part et lui soumit son projet qui était de conduire Kate dans la maison de M. Trusty, le commandeur de Mount-Welcome, pour y attendre, lui dirait-on, le retour de son père. Elle savait qu’on avait mis le feu à l’habitation, que le toit qui avait abrité son enfance n’était plus qu une ruine. Il devait donc lui paraître naturel de trouver un asile temporaire chez le directeur de la plantation.

Ni Herbert ni Cubissa n’étaient certains que le corps du custos eût atteint Mount-Welcome, Quaco ayant quitté les porteurs sans leur donner d’ordres à ce sujet. Le cortège funèbre pouvait donc encore être sur le chemin de Carrion-Crow ; en ce cas, il était possible d’arriver à la maison du directeur, sans que la jeune fille apprît la mort de son père.

Ce plan arrêté, Herbert et Cubissa partirent dans le canot avec Kate Vaughan, laissant au Trou-du-Spectre Quaco et ses Marrons qui furent chargés d’épier le retour de Chakra.

Les forces de la jeune créole étaient revenues ; elle traversa les sentiers de la forêt, appuyée sur le bras d’Herbert. Cubissa les précédait pour éviter les surprises. Mais ils ne firent aucune fâcheuse rencontre, et au bout d’une heure, ils arrivèrent en vue de ce qui avait été Mount-Welcome.

Quelques lueurs rouges, derniers vestiges de l’incendie, perçaient à travers le feuillage qui bordait le sentier, et l’on entendait le craquement des charpentes s’affaissant à demi consumées par le feu. Tout à coup des cris de détresse retentirent du côté de l’habitation.

« Qu’y a-t-il ? demanda Herbert avec inquiétude.

— Il y a, répondit Cubissa, que les voleurs sont revenus, je ne puis comprendre dans