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avait là une large grotte creusée dans la roche, à plusieurs pieds au-dessus de l’étang.

Comme l’écharpe se trouvait sur la saillie du rocher conduisant à la grotte, le Marron supposa que Chakra s’y était réfugié ; mais, comme il pouvait y être entouré de ses complices, le capitaine appela quelques-uns de ses hommes, et, saisissant une torche, il retourna en toute hâte vers la cascade.

Alors, faisant signe à Herbert de le suivre, Cubissa se glissa sous la voûte d’eau. Tenant d’une main son machete et la torche dans l’autre, Cubissa entra dans la grotte, suivi d’Herbert armé de son fusil, prêt à faire feu à la moindre agression.

De brillants stalactites reflétèrent la clarté de la torche, au point d’éblouir pendant quelques minutes les yeux des jeunes gens.

Bientôt leurs yeux s’habituèrent à cette lumière diamantée, et alors un même cri leur échappa, tandis qu’ils se jetaient un regard désespéré.

Entre deux larges masses de stalagmites, une femme habillée de blanc gisait dans l’immobilité de la mort.

Il n’était pas besoin de lever la torche sur ce pâle visage… c’était bien là Kate Vaughan ?

À la vue de ce qu’il croyait être le corps privé de vie de sa cousine, le cœur d’Herbert fut déchiré, et il éclata en sanglots. Il jeta son fusil sur le roc, s’agenouilla devant la jeune fille et s’abandonna à un désespoir qui trouva un écho parmi les rudes compagnons qui l’accompagnaient.

Il se passa un long intervalle avant que le jeune Anglais sortît de sa lugubre contemplation. La torche que tenait Cubissa ne donnait plus qu’une lueur vacillante, quand Herbert se leva enfin, et recula lentement vers l’entrée de la grotte, après avoir fait au Marron un geste que ceux-ci comprirent.

Ils soulevèrent le corps de la jeune fille sur leurs bras croisés et l’emportèrent en silence dans la hutte sur les pas de leurs chefs. Kate fut déposée sur le lit de bambous. Cette tâche accomplie, les braves compagnons se retirèrent, par une délicatesse instinctive, laissant seuls Herbert et Cubissa.

Ce fut celui-ci qui prit la parole le premier.

« Sainte Vierge ! dit-il d’une voix altérée, je ne sais pas de quoi elle a pu mourir, à moins que ce ne soit là vue de Chakra qui l’ait tuée ! »

Un gémissement fut la seule réponse d’Herbert.

« Si le monstre, continua le Marron, a usé de violence à son égard, on n’en voit nulle trace. Il n’y a ni sang ni blessure, aucune apparence de coup ayant pu amener la mort. Ô pauvre et regrettable créature !

— Oh Dieu ! cria Herbert dans un sanglot, deux corps à transporter dans la même maison, le père et la fille… le même jour… à la même heure… »

Avant que Cubissa n’eût répondu, une forme qui apparut près de la porte interrompit ce triste échange de regrets. C’était Quaco qui, ayant appris de ces hommes la nouvelle de la découverte qu’on venait de faire dans la grotte, entrait sans y être invité.

Il approcha du lit de bambous et contempla le pâle et doux visage de la jeune fille. Peu à peu l’expression chagrine des traits du lieutenant perdit de son intensité ; son visage se rasséréna et un sourire de satisfaction entr’ouvrit même sa large bouche.

« Lieutenant, lui dit Cubissa d’un ton de reproche, que signifie votre attitude ? Je ne reconnais point là votre respect de la mort.

— La mort, dites-vous, cap’taine ? repartit paisiblement Quaco, qui se mit de nouveau à sourire après un second regard jeté sur Kate. Si vous voulez parler de la jeune lady, je consentirais à n’être jamais plus mort qu’elle ne l’est en ce moment. »

Herbert et Cubissa tressaillirent et poussèrent un cri de surprise et d’espérance.

Sur un signe de Quaco, un des Marrons détacha un petit miroir suspendu aux parois de la hutte.

« Bon ! s’écria Quaco, voilà ce qu’il me faut. Ce verre est parfaitement clair, n’est-ce pas, cap’taine ?… Vous allez voir tout à l’heure. »

Plaçant la surface unie du miroir sur les lèvres glacées de Kate, il l’y laissa quelques minutes et l’éleva ensuite vers la lumière de la lampe.

« Voyez, s’écria-t-il d’un air de triomphe en leur montrant la glace ternie, elle n’a bu que de l’extrait de calalue, de l’eau qui endort… et même voilà la fiole qui a contenu cette drogue, ajouta-t-il en ramassant une petite bouteille à terre. J’en sais une autre qui la réveillera ; il s’agit seulement de la trouver ; elle doit être ici dans quelque coin. Si je puis mettre la main dessus, cette jeune