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dée par aucun incident. Jamais piétons n’avaient franchi une pareille distance avec la vélocité qui les amena sur le rocher dominant la ravine.

Ils descendirent tous, Cubissa leur traçant le chemin, par l’escalier d’arbres et de racines, jusqu’au bord de la lagune, où une exclamation de désappointement échappa au capitaine des Marrons.

Le canot était de ce côté du lac, caché sous les buissons.

« Le tigre aurait-il quitté son antre ? dit-il à Herbert.

— Elle serait perdue alors ! perdue, la pauvre Kate, cette enfant dont vous tous, qui la connaissez mieux que moi, vous venez de me vanter les qualités… Ma seule parente au monde. Elle aura appelé dans son angoisse son père, qu’elle ne sait pas mort ; hélas ! Son cousin qu’elle aura cru indifférent… Les efforts de ceux qui sont animés de bons sentiments échoueront-ils donc ? Verrons-nous le triomphe du crime !…

— Ne vous désespérez pas, master Vaughan, dit vivement Cubissa. Peut-être n’est-ce que Chakra qui est reparti, ou encore les gens qui l’ont aidé et dont il attend le retour. En tout cas, il nous faut fouiller la petite vallée. Sautez dans le canot, vous ne pouvez nager sous vos vêtements, tandis que mes gens ne sont pas embarrassés par les leurs. Quaco ! mettez tous les fusils dans la barque et jetez-vous tous à l’eau. Nagez en silence. Pas le moindre clapotement, entendez-vous. Tenez-vous dans l’ombre de la roche, et droit à l’autre rive ! »

Une minute après, la barque dirigée par Cubissa, glissait sur le lac ; une demi-douzaine de têtes noires, se montrant à peine au-dessus de l’eau, suivaient son sillage, nageant sans plus de bruit qu’une troupe de castors.

Il n’y avait pas de chemin à l’endroit où aborda la petite troupe, qui se débattit pendant quelque temps dans un fourré presque impénétrable ; elle ne courait cependant pas risque de s’égarer, car Cubissa se rappelant que la hutte de Chakra était voisine de la cascade, le bruit de la chute d’eau que l’on entendait, était un guide infaillible.

Le taillis devint peu à peu plus praticable et ils aperçurent enfin le cotonnier.

La hutte était devant eux ; une lumière brillait dans la baie de la porte ouverte et se reflétait sur la terre ombragée par l’arbre immense. Quoique faible et vacillante, cette lueur rassura les deux amis, la hutte était sans doute occupée par Chakra et sa victime.

Cubissa se sentait envahi par de sombres pressentiments ; la tête d’Herbert était en feu. L’un et l’autre parvinrent difficilement à maîtriser leur émotion pour approcher de la hutte avec les précautions qu’exigeait la prudence.

Faisant signe aux Marrons de s’arrêter sous les arbres, Herbert et le capitaine rampèrent vers le cotonnier. Étant arrivés dans l’ombre qu’il projetait, ils se dressèrent vivement et se trouvèrent d’un bond au seuil de la cabane.

Un cri de désappointement s’échappa en même temps de leurs lèvres : la hutte était vide !

Les deux jeunes gens y entrèrent pourtant, afin de se renseigner par l’examen du lieu. La lampe allumée, dont une petite partie de l’huile était seule brûlée, annonçait un départ récent et précipité. Nul indice d’ailleurs ne révélait le passage de Kate dans la hutte.

« Chakra doit être près d’ici, dit Cubissa. Voici ma supposition : le canot a servi à ses complices qui doivent revenir. Lui nous a aperçus traversant la lagune, et il se sera hâté de se réfugier dans quelque cachette voisine. Il s’agit de le chercher maintenant.

Cette conjecture offrait des probabilités. Le capitaine appela ses hommes, leur commanda de se procurer des torches et de fouiller le bois. Quaco fut dépêché vers le canot avec mission de le surveiller pour empêcher toute possibilité de fuite du côté du lac.

Tandis que les Marrons exécutaient l’ordre de leur chef, Cubissa et Herbert cherchaient sur le terrain les traces que le pied de Chakra avait pu y laisser.

En approchant de la cascade, un objet arracha un cri de surprise à Herbert : quelque chose de blanc était étendu sur un galet, à côté de la cuve où se précipitait le torrent. C’était une écharpe froissée et déchirée. Les deux amis ne doutèrent pas qu’elle n’eût appartenu à Kate.

Cubissa prêta moins d’attention à l’objet trouvé qu’au lieu où il gisait. C’était tout près de l’extrême bord de la roche, le long de laquelle le torrent se précipitait.

Entre les nappes d’eau et le roc, il existait une sorte de corniche qui permettait de passer sous la cascade. Cubissa se souvint qu’il y