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quand ses yeux furent réjouis par la vue d’un bel oiseau perché sur le tronc d’un arbre mort. Il le prit d’abord pour une poule de Guinée ; mais la couleur foncée du volatile lui fit reconnaître qu’il avait devant lui un coq sauvage.

Il arma son fusil, lâcha le coup, l’oiseau tourna sur lui-même et disparut de son perchoir. Le sportman, au comble de la joie, s’élança pour ramasser son gibier où il avait dû tomber, mais, à sa grande surprise, il ne l’y trouva pas. Il chercha autour de l’arbre avec un soin scrupuleux ; pas de coq d’Inde !

Alors il appela son chien de chasse Quashie ; mais ses appels réitérés n’amenèrent pas le négrillon ; il en conclut que Quashie s’était endormi ou s’était éloigné de l’endroit où il l’avait laissé.

Smythje allait retourner sur ses pas pour chercher l’enfant, quand il s’avisa de la cause de la disparition mystérieuse de l’oiseau. L’arbre qui avait servi de perchoir au coq d’Inde avait été coupé à une hauteur de quinze ou vingt pieds de sa base ; quoiqu’il fût mort, son sommet était garni de verdure par les parasites qui grimpaient autour de lui.

Le chasseur réfléchit que son gibier avait pu être arrêté par ce réseau de fouillis ; il voulut s’en assurer, et tenta tout seul l’entreprise.

Les fortes branches de vigne sauvage qui enlaçaient l’arbre rendaient l’ascension facile, et bien que le cockney grimpât aussi maladroitement qu’un chat botté, il arriva au haut de l’arbre.

Là, il poussa une exclamation de joie à la vue de son gibier. Seulement le coq d’Inde ne reposait pas sur le sommet, mais dans un creux profond du tronc ; et même en allongeant le bras, Smythje ne pouvait atteindre la pièce touchée par lui ; toutefois l’ouverture étant assez large pour donner passage à son individu, il n’hésita point à sauter dans le creux du tronc d’arbre. C’était une malheureuse inspiration ! La surface brune sur laquelle le coq était étendu n’était qu’un amas de branches pourries, assez fermes pour supporter le poids du coq d’Inde, mais non celui du lord de Montagu-Castle. Smythje disparut donc dans cette cavité aussi promptement que s’il eut sauté de la grande vergue de la Nymphe de l’Océan dans les eaux de l’Atlantique.

Si rapide qu’eût été son plongeon, et si noir que fût l’abîme où il était précipité, le sportman ne fut pas blessé ; les matières moisies qui avaient fléchi sous son poids avaient atténué sa chute. Il resta pourtant quelques minutes sans connaissance : mais il se remit vite et s’occupa de dégager ses jambes, car il se trouvait assis dans une posture qui ne semble commode qu’aux tailleurs d’habits, ou aux Turcs.

Non seulement la poussière l’empêcha d’abord de voir, mais encore elle le fit éternuer plus de cent fois, lui entrant dans la bouche et dans les narines. Enfin, ce nuage impalpable s’éclaircit, et Smythje put se rendre compte de sa situation.

Il aperçut au-dessus de sa tête le dôme bleu du ciel, tandis qu’autour de lui s’élevaient des murs bruns qui l’enserraient dans un vaste cylindre, dont ses bras étendus atteignaient à peine les parois.

Il considéra d’abord son accident comme une aventure bizarre, tout au plus ; mais dès ses premiers efforts pour sortir de là, il rencontra des difficultés qu’il n’avait point soupçonnées.

À chaque tentative d’ascension, il retombait sur les décombres de racines pourries qui jonchaient le sol.

Ces chutes répétées l’étourdissaient, car c’était de dix à douze pieds qu’il retombait ainsi, et sans les débris qui amortissaient le choc, cette gymnastique n’eût pas été sans dangers.

Smythje n’avait plus qu’un espoir, c’était que Quashie vînt à passer dans les environs, et, dans l’espoir de se faire entendre de lui, il se mit à crier à pleins poumons.

Personne ne vint à ses appels réitérés, lorsqu’un événement nouveau rendit la position du captif encore plus déplorable. Le ciel se chargea tout à coup de nuages noirs et épais d’où s’échappa une pluie diluvienne, une véritable pluie des tropiques.

Bien qu’abrité du vent, le pauvre Smythje n’avait pas de toit pour se garantir de cette trombe qui lui frappait sur la tête comme le jet d’une pompe dirigée dans le creux de l’arbre.

L’infortuné n’avait pas atteint l’apogée de son malheur. Pendant qu’il se reposait tout au fond de sa prison obscure, quelque chose de froid et de gluant s’enroula autour de son bas de soie, et cet attouchement visqueux le fit frissonner. Quelle fut son horreur quand il s’aperçut que c’était un serpent qui montait