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CHAPITRE VII
UN PROTECTEUR INESPÉRÉ


Peu causeur de son naturel, Quaco ne troubla en rien les méditations d’Herbert qui réfléchissait en cheminant sur sa singulière aventure de la forêt ; mais, quand ils eurent fait environ un mille, le guide fut pris d’un scrupule qu’il crut devoir soumettre au gentleman.

« Voici deux chemins, lui dit-il ; celui de droite est le plus court, le meilleur, mais dangereux.

— Et pourquoi ?

— Voyez-vous le toit de cette maison, juste au-dessus de ces paws-paws ? C’est le baracoon du Juif, du maître de l’esclave…

— Eh bien ! qu’importe ?

— Maître, si nous prendre à droite, nous passer devant la maison. Quelques-uns des gens à lui, nous voir. Ce corbeau rouge est juge de paix, et lui, nous mettre dans l’embarras.

— Pour cette affaire du fugitif ?

— Cap’taine a le droit de réclamer le fugitif pour sa prise, mais damnés Espagnols feront du bruit pour leurs bêtes ; et nous, gens de la montagne, nous n’aimons pas ces chicanes. Tout cela mauvaises affaires ! Et vous, prêter le fusil, vous empêcher l’Espagnol de prendre l’esclave…

— Je ne crains pas de répondre de ce que j’ai fait devant la justice, répondit Herbert, convaincu d’avoir agi selon l’équité ; mais si vous craignez quelque chose pour vous et les vôtres, prenez par où vous voudrez. »

Le sentier de gauche que choisit Quaco courait à travers bois ; le sol rocailleux montait et descendait sans cesse, ce qui rendait la marche pénible. Enfin, ils arrivèrent sur le plateau d’une montagne, et s’avancèrent entre des bosquets d’arbres à piment un peu espacés. De ce point élevé, Herbert aperçut une maison qui brillait dans les masses verdoyantes du paysage, et il reconnut Mount-Welcome.

Ils longeaient un chemin diagonal à l’habitation qui devait les amener sur l’avenue. Quand Herbert s’avisa de cette particularité, il pria le Marron d’incliner un peu plus à droite, afin qu’ils pussent atteindre la route sans traverser la propriété de Loftus Vaughan.

Le nègre obéit, non sans déplaisir, car il murmura, en prenant cette direction, quelques mots sur le penn du Juif. Après un bref intervalle, Herbert eut la satisfaction de se trouver sur la route de Montego-Bay. Il s’apprêtait à congédier Quaco, dont il n’avait plus besoin, lorsqu’une troupe d’hommes à cheval déboucha d’un fourré.

À leur vue, Quaco s’élança dans le taillis en criant au jeune Anglais d’en faire-autant ; mais Herbert, dédaignant de se cacher, resta impassible à attendre les six ou sept hommes qui s’avançaient vers lui dans des intentions encore inconnues. Voyant la détermination de son protégé, le nègre se retrouva d’un bond à ses côtés, non sans protester contre une telle imprudence.

« Nous sommes pris, maître ! C’est cette harpie de Ravener, » lui dit-il en soupirant.

Comme il parlait encore, la troupe à cheval arriva près des deux piétons, et les hommes mirent pied à terre.

« Voilà nos gens ! s’écria Ravener que l’Anglais reconnut à sa vareuse rouge et à sa barbe noire. C’est ce qui s’appelle tomber sur son homme comme’un canard sur une mouche. Monsieur Tarpey, faites votre devoir.

— Je vous arrête, monsieur, dit le personnage ainsi interpellé. Je suis le chef constable de la commune, je vous arrête de par la loi.