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que sa parenté avec un jeune homme si pauvre ne fût découverte par M. Smythje et ne fit naître dans l’esprit de celui-ci des doutes sur la respectabilité parfaite de son hôte.

Il s’était flatté pourtant de l’espoir que cette connaissance ne se ferait pas à bord, étant données les habitudes aristocratiques du gentleman, et il avait pris ses mesures pour empêcher toute espèce de rapports entre les deux jeunes gens, après leur débarquement.

Son plan était tracé avant l’arrivée de la Nymphe de l’Océan. M. Smythje devait être attendu et conduit immédiatement à Mount-Welcome. Un autre itinéraire devait être suivi par Herbert qui logerait chez l’inspecteur dont la maison, distante d’une mille de l’habitation, offrait les garanties désirables de sécurité.

Trois jours après la réception des deux lettres, le planteur, fidèle à son poste d’observation, aperçut dans le havre un navire mâté à carré ; aussitôt les cloches sonnèrent à toute volée pour rassembler les domestiques ; le cor de chasse avertit l’inspecteur, et en moins d’une demi-heure, la barouche de la famille, — superbe véhicule attelé de chevaux richement caparaçonnés — prenait le chemin de la baie. À la suite, marchait un fourgon mené par huit vaches ; un jeune négrillon, juché sur le plus hérissé des coursiers, Quashie en personne, partait également, chargé d’une mission délicate.

Pendant ce temps, la maison de Mount-Welcome était livrée aux agitations des derniers préparatifs qu’exige une réception empressée.

Une demi-heure après la conversation des deux passagers de la Nymphe de l’Océan, le navire mettait en panne devant le port de Montego-Bay, Un faux pont fut jeté sur le rivage ; et le désordre, la cohue, qui caractérisent les débarquements, commencèrent.

Parmi les divers véhicules rangés le long du quai, on remarquait une barouche attelée de quatre chevaux. Un cocher mulâtre, qui brillait comme une châtaigne au milieu de son écorce dans sa livrée verte et jaune, occupait le siège ; à la portière se tenait un valet de pied portant les mêmes couleurs.

Ce somptueux équipage avait attiré l’attention d’Herbert Vaughan qui, debout sur le pont, semblait hésiter à descendre à terre ; il vit alors deux gentlemen se diriger vers la barouche et il reconnut en l’un deux M. Montagu Smythje qui s’installa commodément.

Quand la voiture eut disparu, les yeux du jeune homme s’abaissèrent tristement sur le pont. Personne pour lui souhaiter la bienvevenue, à lui !

« Sa, lui dit un négrillon en lui touchant le bras.

— Quoi ? dit Herbert brusquement arraché à ses réflexions. Que me voulez-vous ? Je n’ai pas d’argent.

— Argent, sa ? Quashie, pas besoin ; lui obéir à massa, jeune seigneur prêt à suivre lui ?

— Et à quel endroit, s’il vous plaît ?

— À Mount’-Come, sa, chez M. Yaugh ! Moi avoir poney pour vous ; bagages aller dans fourgon à vaches.

— Bien, dit Herbert ; quel chemin dois-je prendre ?

— Droit le long de la rivière ; s’arrêter au carrefour, tourner à droite, et vous voir bientôt Mount’-Come, sa !

— Combien de chemin ai-je à faire ?

— Peu près sept ou huit milles, sa ; pouvoir aller comme éclair ; vous surtout pas prendre à gauche. »

Le jeune étranger quitta le navire sur ces instructions et gagna le quai, son fusil de chasse sur l’épaule ; alors, détachant la bride qui retenait le poney à la roue du fourgon, il se mit en selle et dirigea sa monture vers le chemin indiqué comme le seul qui put le conduire à Mount’-Welcome.

Pendant près d’une heure le poney tint le galop. Le chemin courait directement, sillonné de traces de roues ; la rivière indiquée par le négrillon se montra ; Herbert ralentit l’allure de sa bête pour chercher le gué, car il n’y avait aucune apparence de pont ; mais l’eau était basse, le poney y plongea sans hésitation et la traversa sans difficulté.

Le jeune homme fit halte sur la rive opposée. Le chemin fourchait à cet endroit et présentait trois routes. Laquelle prendre ? — Surtout pas à gauche, avait dit le nègre. — Mais il fallait choisir entre celle de droite et celle du milieu ; le voyageur trouva prudent de chercher les empreintes laissées par la barouche qui avait dû passer avant lui.

Pendant qu’il tenait conseil, ses réflexions furent interrompues par une voix qui semblait retentir tout près de son oreille ; et il fut étonné, en se retournant sur sa selle, d’apercevoir Quashie en personne.

« Eh ! sa, moi dire à vous pas prendre à