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trerai si John Logan Mac Diarmid a besoin de leur brevet pour se battre !… Evan Roy, mon garçon, un coup à ta santé !… »

Il portait déjà le flacon à ses lèvres, sans plus de cérémonie, quand Evan Roy se jeta sur lui et, le prenant à bras le corps, lui saisit les deux mains.

« Prenez-lui le flacon, Joc ! » cria le High-lander d’une voix brève.

L’instant d’après, les deux hommes étaient engagés dans une lutte silencieuse mais acharnée. Mac Diarmid essayait de se dégager, se baissait pour jeter Evan Roy par-dessus sa tête. Mais l’Écossais était sans conteste le plus fort des deux, sans compter qu’il avait l’avantage de la position ; les bras serrés comme un étau autour du jeune homme, un genou appuyé sur son dos, il se laissait entraîner par lui tout autour du salon, mais ne lâchait pas prise.

Mac Diarmid avait beau se secouer en jurant qu’il étranglerait le bourreau, son effort désespéré restait impuissant.

Cependant, Joe, ne perdant pas de temps, avait fait immédiatement disparaître flacons et bouteilles dans un grand buffet dont il retira la clef, qu’il mit dans sa poche. Cela fait, il cria :

« Vous pouvez le laisser aller, massa Roy. Il n’y a plus de danger… »

Aussitôt le Highlander, poussant tout à coup son genou dans le dos de sa victime et pesant en même temps sur ses épaules, la jeta à plat sur le tapis avec une force qui ébranla toute la maison. Après quoi, il resta debout auprès du jeune homme, tandis que Joe s’éclipsait prudemment.

Il y eut comme une accalmie. Mac Diarmid, étourdi de sa chute, resta un instant immobile, les yeux fixés sur le plafond, tandis qu’Evan Roy soufflait bruyamment. Puis tout à coup le vaincu reprit conscience de son humiliation ; ses traits se contractèrent, un feu sauvage s’alluma dans ses yeux, et, d’un bond, par un mouvement des reins qui témoignait d’une longue pratique des exercices gymnastiques, il se remit sur ses pieds.

Cette fois il ne protestait plus ; pâle comme un linge, il se précipita vers la table pour y prendre une arme.

Mais Evan Roy, agile comme un léopard, y était avant lui, et d’un coup de balai de sa large patte, il avait envoyé fusil et revolvers rouler à l’autre bout du salon. Mac Diarmid n’articula pas un mot, mais les éclairs de ses yeux répondaient pour lui.

Evan Roy le surveillait en silence. La colère du Highlander avait fait place maintenant à une expression de tendresse singulière. Comme pour mieux rendre ce sentiment, il eut recours à l’usage de la langue gaélique.

« Il n’y a pas de honte pour le lionceau, dit-il, à être mâté par un vieux lion qui donnerait tout son sang goutte à goutte pour l’honneur de son chef. Si Mac Diarmid est irrité contre son père nourricier, contre celui qui lui a appris à se servir d’un fusil et d’une claymore, eh bien ! c’est très simple ; qu’il se venge !… »

Il avait ouvert son gilet, et, en tirant un poignard écossais, il le tendait au Chef.

La main de Mac Diarmid se referma sur le manche du poignard. Il regarda Evan Roy qui se tenait calme devant lui.

« Frappez ! cria le Highander. Le Chef a droit de vie et de mort sur son clan. »

Le jeune homme se dressa sur ses pieds. Tout son corps était agité d’un tremblement visible. Il hésita un instant.

Puis jetant le dirk à terre, il dit avec un grand soupir :

« Il n’y a pas un homme à qui je voudrais céder. Mais tu n’es pas un homme pour moi, Evan Roy. Donne-moi un verre de whisky, Je t’assure que cela ne me fera pas de mal…

— Non ! vous n’aurez pas de whisky, répondit péremptoirement l’Écossais. Du côté de votre père, on sait boire et garder son bon sens. Mais vous tenez de votre mère, et les hommes de sa race n’ont jamais su se conduire en face d’une bouteille comme des gentlemen…

— Mais enfin, Evan, quand je vous promets de ne pas boire plus qu’il ne faut, reprit le jeune homme.

— Oui, je connais cette chanson. C’est ainsi que le Grand Aigle s’adressait à votre père quand nous faisions le commerce de fourrures. Il aurait tout vendu, femmes, filles, armes et chevaux pour un verre de whisky… Eh bien ! où est le Grand Aigle maintenant, lui qui était le chef redouté, le sorcier et le médecin des Echipetahs ? Il est mort comme un chien dans sa hutte, sans personne pour le regretter… si ce n’est sa fille, devenue depuis l’épouse honorée de Mac Diarmid.

— Et ma mère vénérée ! dit vivement le