Page:Reid - Aventures de terre et de mer, Hetzel, 1891.djvu/301

Cette page n’a pas encore été corrigée

ne faire qu’un arrêt fort court à Port-Natal. Ils comptaient en repartir dès qu’ils auraient vendu leurs marchandises, et s’en aller chercher un endroit où ils pussent s’établir avec de nouveaux troupeaux, pour reprendre leur vie pastorale.

Mais ils apprirent à Port-Natal une si importante et heureuse nouvelle que leurs résolutions en furent changées. En leur absence, les Transwaaliens s’étaient révoltés contre la domination anglaise. Ils avaient opéré ce que les Anglais ont appelé la rébellion du Transwaal et les colons hollandais : leur guerre de l’indépendance.

Ces bons patriotes avaient acheté leur liberté au prix de la vie de beaucoup des leurs ; mais ils avaient reconquis la liberté de leur territoire aux combats de Laing’s Neck et au Spitz-Kop, et un si beau résultat ne leur semblait pas trop cher payé.

Par suite de ces événements favorables, les émigrants n’avaient plus de raison de fuir leur pays.

Assurés d’être libres désormais, ils ne songèrent plus qu’à se rapatrier.

Leur exode était terminé, et leur seule préoccupation, avant de retourner au Transwaal, fut de vendre dans les conditions les plus avantageuses les diverses raretés qu’ils rapportaient de leur long voyage.

Par la joie que causa aux trois familles et à leurs serviteurs l’idée de rentrer dans la mère-patrie, tous comprirent l’étendue du sacrifice qu’ils avaient fait lorsqu’ils s’étaient résignés à l’exil.

Un regret se mêlait pourtant au bonheur des jeunes Boërs : celui d’avoir désespéré trop tôt de l’indépendance nationale, et de n’avoir pu combattre avec leurs compatriotes pour la cause sacrée.

Quelques semaines après l’arrivée des Vee-Boërs à Port-Natal, tous les émigrants étaient réunis sous la présidence de Jan Van Dorn, qui avait terminé la vente des divers produits des chasses faites en commun.

« Mes amis, dit le baas de sa voix grave, nous avons couru ensemble les mêmes dangers ; nous avons vécu longtemps de la même vie. Avant de nous séparer, je tiens à remercier mes braves serviteurs de leur dévouement à toute épreuve et de la confiance qu’ils m’ont témoignée dans les situations les plus périlleuses. Voici la part de nos profits qui revient à chacun d’eux. »

Et la distribution se fit à la satisfaction de tous.

« Vive notre baas ! s’écrièrent les Cafres et les Hottentots.

— Je veux aussi, poursuivit Jan Van Dorn, adresser à nos jeunes chasseurs les éloges qu’ils méritent. Au début de notre voyage, ils étaient presque des enfants. Maintenant ce sont des hommes, et des hommes éprouvés… La part de bénéfice de chacun d’eux représente pour lui l’indépendance. Si ce capital s’accroît de leurs travaux futurs, il peut être le premier noyau de leur fortune. Mes associés Blom et Rynwald seront, je l’espère, d’accord avec moi pour trouver qu’il ne faut cependant livrer aux jeunes gens leur capital qui si ces jeunes gens remplissent certaines conditions donnant à leurs pères l’assurance d’une conduite stable et de mœurs réglées. Cela paraîtra peut-être un peu dur à nos fils, mais notre volonté est formelle… Mes enfants, vous êtes d’âge à devenir à votre tour des chefs de famille, et c’est pourquoi je vous ordonne, à toi, Piet, d’épouser Katrinka ; à toi, Andriès, d’épouser sa sœur Meistjé, et à toi, Ludwig, d’épouser Rychie, ma fille aînée. »

Les jeunes gens qui s’étaient d’abord regardés avec inquiétude, poussèrent des exclamations joyeuses pour célébrer cette péroraison inattendue… Ils s’imaginaient tous que les secrets de leurs cœurs étaient assez cachés pour que personne ne les devinât. Mais leurs parents connaissaient depuis longtemps leurs inclinations, et ils riaient ensemble de bon cœur en voyant la surprise des jeunes gens.

Les jeunes filles se montrèrent moins démonstratives ; mais il est à présumer qu’elles auraient, eu l’énergie de protester si les ordres de leurs parents leur eussent assigné des devoirs trop désagréables ; aussi chacun prit pour une modeste acceptation la rougeur de leurs joues et le vif éclat de leurs yeux.

Seul de tous les jeunes gens, Laurens de Moor restait mélancolique.

Mais le baas reprit :

« Ce n’est pas tout. Si ma fille cadette Annie ne déplaît pas outre mesure à Laurens, si de son côté Annie ne trouve pas l’obéissance à mes désirs trop rude, je souhaite que Laurens de Moor épouse ma seconde fille. Cela fera quatre noces le même jour, » ajouta-t-il en se frottant les mains.

Cette fois, la voix de Laurens cria plus haut