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Le baas secouait la tête et se reprochait intérieurement d’avoir cédé aux prières des uns, aux instances des autres.

« J’ai eu grand tort, disait-il à ses associés, de permettre qu’on s’attardât ainsi. Pourvu que personne parmi nous ne prenne les fièvres !… »

Le malin du septième jour, le temps parut s’améliorer, mais Jan Van Dorn et Smutz le guide savaient bien que cette éclaircie serait de courte durée. Aussi pressèrent-ils l’un et l’autre le départ.

La saison des pluies était bel et bien venue. Après avoir souffert de la soif, puis de la chaleur, les voyageurs allaient-ils donc être noyés ?

En arrivant à l’endroit où le radeau était amarré, il se produisit une alerte. Le pont de planches qui faisait communiquer l’embarcation avec l’île était à vau-l’eau. On le voyait aller et venir sous l’action du courant. Il fallut aller le chercher ; puis on dut le consolider.

« Le Limpopo monte, dit Jan Van Dorn. Hâtons-nous ! Il n’y a pas une minute à perdre. Dans quelques heures, peut-être même plus tôt que nous le pensons, toute l’île sera submergée. »

La crue grossissait avec une rapidité effrayante.

Les Vee-Boërs craignirent de perdre en quelques minutes tout le fruit de leurs peines. On s’empressa, on courut. Tentes, cabanes de roseaux, ustensiles déménagé, toutes les provisions du hangar, l’ancien stock et le nouveau, furent entassés pêle-mêle sur l’embarcation. On ne prit le temps de rien ranger.

La moitié de l’îlot était sous l’eau lorsqu’on transbordait la dernière charge ; mais tout le monde était à bord du radeau, et, sûrs désormais de ne rien perdre de leurs richesses, les émigrants s’occupèrent de mettre un peu d’ordre dans ce fouillis.

Dans l’après-midi, on leva l’ancre, et l’on prit congé de l’île Meistjé.

« L’île Meistjé ! la mal nommée, dit Andriès. C’est faire du tort à Mlle Meistjé que de donner son nom à une île aussi perfide. Si le Limpopo avait grossi pendant la nuit, nous nous serions réveillés dans ses flots, et c’est tout au plus si nous aurions sauvé nos personnes.

— Bah ! répondit Piet, l’inondation n’est pas le fait de l’île, mais de la pluie et du fleuve. Sans l’île Meistjé, la bien nommée, jamais nous n’aurions rapporté tant de richesses. Qui veut crier avec moi, Huzza pour l’île Meistjé ! »

Tous les émigrants et Andriès le premier, — quelle inconséquence ! — s’écrièrent en chœur :

« Huzza pour l’île Meistjé ! »

À partir de ce moment, la navigation n’offrit aucune difficulté. La crue du Limpopo n’était dangereuse que sur les rives. Pendant la nuit l’on avait soin d’amarrer solidement le radeau et d’avoir toujours une sentinelle au guet, pour éviter toute fâcheuse surprise de la part du fleuve. C’était suffisant, et, grâce au canot, l’abordage lui-même ne présentait pas de difficulté.

Avec la cargaison qu’ils possédaient à bord, les Vee-Boërs envisageaient l’avenir sous des couleurs tout autres que les mois précédents. Le sourire était sur toutes les physionomies et l’espérance dans tous les cœurs. Du reste, on approchait du terme de ce long voyage.

Au bout de quatre jours, l’embarcation atteignit l’embouchure du Limpopo. Là, il fallut manœuvrer avec précaution ; mais, avec un pilote tel que Karl de Moor et un radeau aussi bien construit, ce fut moins difficile qu’on ne l’imaginait d’abord.

Enfin les Vee-Boërs arrivèrent dans la baie de Goa.

Les souvenirs de Laurens ne l’avaient pas trompé. Il se trouvait un petit port à cet endroit, et, surprise inespérée pour les voyageurs, un navire y était à l’ancré.

« Nous avons tous les bonheurs ! s’écria Katrinka en battant des mains, quand elle aperçut, la première, les voiles blanches de ce vaisseau. -

— Attends de savoir la destination de ce trois-mâts, lui répondit son père en souriant. Il est possible qu’il se dirige vers le nord, et, en ce cas, de quelle utilité nous serait-il ? »

Mais c’était justement un bâtiment marchand en partance pour Port-Natal. Le capitaine de ce trois-mâts ne se fit pas prier pour emmener les Vee-Boërs.

Pour lui aussi c’était une bonne affaire. Cette cargaison d’objets de haut prix et de vente facile lui répondait du paiement de la traversée.

Il entrait dans les plans des Vee-Boërs de