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que ce terrain devait être soumis à des inondations périodiques. Il aurait dû par conséquent offrir l’aspect d’une prairie plantureuse. D’où pouvait provenir le dessèchement de cette herbe flétrie et comme brûlée qui contrastait avec la ligne verte des palmits ? On eût dit un magnifique cadre dont le tableau était absent et où l’on n’apercevait qu’une planche raboteuse à la place du paysage qu’il aurait dû enserrer.

Les Vee-Boërs s’adressaient encore cette question lorsqu’ils aperçurent, autour de l’île, dans les roseaux et en aval du fleuve, une telle quantité d’hippopotames que c’était à n’en pas croire ses yeux.

C’était une succession à perte de vue de dos bruns et rugueux, de mufles épatés. Ce tableau rappelait aux Vee-Boërs le troupeau d’éléphants qu’ils avaient rencontré en amont du Limpopo, avec cette différence toutefois que la tribu des pachydermes était errante, tandis que les hippopotames avaient l’air d’être chez eux dans cet îlot, et semblaient y être établis à demeure.

Le conseil se réunit à l’arrière du radeau et il fut convenu qu’on ferait une chasse réglée aux amphibies et qu’on ne quitterait l’îlot qu’après avoir tué ou vu fuir loin de portée le dernier hippopotame de la bande.

Avant la fin du jour, le camp était dressé au centre de l’île et la chasse était ouverte.


CHAPITRE XXII
L’ÎLE MEISTJÉ


Cette chasse prodigieuse dura un mois. L’île, baptisée île Meitsjé en l’honneur de la seconde fille de Klaas Rynwald, se vit dépossédée un à un de ses habitants primitifs.

Un immense hangar contenait plusieurs centaines de défenses d’hippopotame empilées les unes sur les autres, comme des cornes de bœuf dans une tannerie. À côté de ces résultats tangibles de l’adresse des jeunes chasseurs, on pouvait voir les preuves de l’activité de leurs compagnons.

D’abord de gros paquets de jamboks confectionnés par les Cafres avec la peau des hippopotames. On se rappelle que les jamboks sont des fouets très longs ; les plus appréciés proviennent de la dépouille de ces amphibies.

Des vessies pleines de graisse fondue, gisaient à côté d’énormes pièces de lard. Les Boërs apprécient beaucoup les qualités de la graisse qui se trouve immédiatement sous la peau de l’hippopotame, lorsqu’elle est salée et préparée selon les règles ; ils n’apprécient pas moins la gelée qu’on obtient en soumettant à une cuisson prolongée les pieds de cet amphibie.

Toutes ces préparations culinaires étaient dues aux soins des Cafres et des Hottentots, et cet amas de provisions représentait une fortune pour chacune des trois familles des Vee-Boërs et une aisance inespérée pour leurs serviteurs, intéressés par leurs maîtres aux bénéfices de l’entreprise. Aussi n’est-il pas besoin d’ajouter que chacun s’était employé de son mieux pour obtenir cet heureux résultat.

Cette chasse avait tellement passionné tous les émigrants qu’ils en avaient oublié l’époque imminente de la saison des pluies.

« Il va bientôt falloir partir, disait chaque