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CHAPITRE XXI
CHASSE AUX HIPPOPOTAMES


Il va sans dire que les haleurs tinrent désormais la corde à une distance prudente du sol. Ils avaient naturellement plus d’efforts à faire pour la tirer ; mais leur première guerre avec les abeilles leur donnait le désir d’éviter une seconde bataille contre ces insectes irritables.

Ils n’eurent pas d’ailleurs pendant longtemps la mission assez pénible de haler le radeau. Dès le lendemain, les Vee-Boërs rencontrèrent un courant assez fort qui leur permit de rappeler à bord Cafres et Hottentots et de se laisser aller, comme auparavant, au fil de l’eau.

La corde fut enroulée à l’avant sur un pieu, toute prête à servir de nouveau en cas de besoin, et il est à présumer qu’en opérant ce rangement assez semblable au dévidage d’un fil sur le noyau d’une pelote, Cafres et Hottentots formèrent des vœux intérieurs pour qu’il ne fût plus nécessaire de dérouler cette corde.

Chacun se félicitait de l’allure rapide que prenait l’embarcation ; mais cette allure devint bientôt un sujet d’alarme.

« Le proverbe qui assure que l’on n’est jamais content de rien est en train de se justifier pour nous, dit Klass Rynwald au baas. Nous pestions de ne pas avancer assez vite ; à peine le courant a-t-il été retrouvé, que nous voici inquiets de marcher trop bon train.

— C’est que nous avons passé d’un extrême à l’autre, répondit le baas, et que les extrêmes étant toujours des exagérations, ne valent guère mieux en bien qu’en mal… Oui, nous allons un train d’enfer et je voudrais bien avoir un moyen d’enrayer.

— En manœuvrant les perches, dit Karl de Moor, peut-être ralentirait-on la vitesse. »

Le baas donna des ordres en conséquence ; malgré l’effort des rameurs, le radeau persista à courir sur l’eau avec une vitesse vertigineuse.

Il se trouvait dans un rapide auquel d’autres succédèrent sans interruption pendant une vingtaine de lieues.

« C’est un train express, voilà tout, » disait M“e Jan Yan Dorn aux jeunes filles un peu alarmées.

Par bonheur, il ne donna contre aucun obstacle dans sa course accélérée.

Karl de Moor et Laurens s’étaient constitués les pilotes de cette navigation effrénée, et, grâce au talent des Macobas et à l’emploi judicieux des perches, on n’eut à déplorer aucun malheur. Mais, à certains moments, on fut en péril. Une fois même, la fragile embarcation faillit chavirer ; elle avait touché un récif caché presque à fleur d’eau, et ce fut miracle d’en être quitte pour un choc violent. Mais les koker-booms et les cordes de baavian-touw tinrent bon.

Ces rapides étaient produits par la disposition du terrain qui s’inclinait vers la mer par une pente douce depuis le plateau intérieur, beaucoup plus élevé.

Quand les voyageurs arrivèrent dans des régions plus calmes et qu’ils eurent reconquis assez de liberté d’esprit pour examiner le paysage, tout avait changé d’aspect.

Ils traversaient une contrée plate, en terrains d’alluvion.

Les arbres avançaient leurs racines jusque dans le lit du fleuve, et leur hauteur, la variété