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Les Cafres se servent fréquemment de ce moyen de locomotion pour passer les rivières, surtout lorsqu’ils ont à guider dans l’eau des troupeaux de bœufs ou de moutons. Les cavaliers aquatiques nagent à côté des bestiaux, encouragent les individus timides, prêtent assistance aux jeunes veaux et aux agneaux qui périraient faute de secours.

Qu’on imagine un tronc de koker-boom, pourvu à son extrémité d’une cheville de bois longue de quinze pouces et solidement attachée. Un indigène demi-nu, Cafre ou Hottentot, était à cheval sur chacun de ces arbres flottants. D’une main, il se tenait cramponné à la cheville de bois ; l’autre main agissait comme balancier et servait à donner l’impulsion. Les jambes, pendantes, l’une d’un côté, l’autre de l’autre côté du tronc, accéléraient à volonté le mouvement en battant l’eau à la façon des pattes de canard. Ces chevaux d’eau peuvent acquérir une vitesse bien supérieure à celle des radeaux.

Tous ces cavaliers d’un nouveau genre venaient à peine de lancer leurs montures qu’ils riaient à gorge déployée, jouaient et s’éclaboussaient comme une couvée de canards dans une mare.

Ces « chevaux d’eau » avaient le triple avantage de diminuer la charge des embarcations, de rendre faciles à effectuer les abordages et les reconnaissances, et de plaire aux Cafres et aux Hottentots en les tenant au frais et en les mettant en belle humeur.

Un voyage entrepris en riant, c’était de bon augure. Un incident burlesque rendit la gaieté générale presque en la propageant parmi les Vee-Boërs.

Gret, le petit singe de Katrinka, n’avait pas, on le pense bien, été oublié sous le mowana. La jeune tille tenait trop à son favori pour le rendre à la vie sauvage. Quand on lui demandait la raison de son attachement à cet animal malicieux, elle répondait :

« Gret est si drôle, il fait de si comiques petits tours ! »

En réalité, elle ne tenait à ce fripon de Gret que parce que Piet l’avait « rapporté, au prix d’une longue course dans les bois et d’une escalade épique d’arbre en arbre, le lendemain du jour où Katrinka avait exprimé le désir d’avoir un singe pour charmer l’ennui des longues étapes du voyage dans le Karrou.

Inutile de dire si Gret était choyé. Pour plaire à la fille de Klaas Rynwald, chacun avait une caresse ou un fruit à offrir à son favori. Gret acceptait tout, payait en monnaie de singe, c’est-à-dire en grimaces ; mais il n’aimait que sa maîtresse, Smutz le guide, et Piet qui n’était pas peu flatté d’être des bons amis de maître Gret.

Au moment où la flotille des chevaux d’eau passait près de l’embarcation des Rynwald, Gret, qui suivait les nageurs d’un œil d’envie, s’échappa des bras de Katrinka et sauta d’un bond sur le dos de Smutz. Là il se mit à l’aise, s’assit confortablement, poussa de petits cris de satisfaction et, passant ses bras autour du cou de son ami Smutz, parut disposé à s’installer là pour longtemps.

Ce fut un éclat de rire général. Rien de plus comique, de plus drôle que cette petite tête grimaçante surmontant le crâne laineux du Hottentot. On eût dit un cerbère aquatique et burlesque s’apprêtant à conduire l’expédition.


CHAPITRE XVI
UNE SURPRISE DÉSAGRÉABLE


On sait déjà qu’aucun des voyageurs ne connaissait la rivière sur laquelle les trois radeaux venaient d’être lancés. Vu sa direction, ce cours d’eau se jetait évidemment dans le Limpopo ou dans un affluent de ce fleuve. Mais où et comment ? Nul d’entre eux n’en savait rien.