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D’ailleurs la perspective de regagner l’ancien camp bien ombragé, entouré d’arbres aux fruits savoureux, était plus séduisante que celle d’un séjour dans ce vallon sinistre.

S’il restait encore des tsétsés sous le mowana, les émigrants n’avaient rien à craindre personnellement de ces insectes, qui ne s’attaquent jamais à l’homme. On s’assurerait cependant du départ des mouches empoisonneuses, à cause d’Hildy ; mais il était probable que cet essaim s’était envolé vers d’autres régions pour y exercer ses ravages.

Les Boërs et leurs serviteurs procédèrent au déménagement sans perdre une minute. À l’exception des chariots, on voulait tout emporter. Le transbordement de tant de bagages promettait bien des allées et venues, mais la bonne volonté ne faisait défaut à personne.

Comme toujours, le baas réglait tout dans ses moindres détails. Il organisa des escouades régulières. Tandis que les unes enveloppaient les paquets et les provisions, les autres les emportaient. Cette manière de procéder économisait le temps, et le temps était précieux.

Les femmes et les enfants reçurent des paquets proportionnés à leurs forces et partirent les premiers avec quelques hommes d’escorte. Heureusement, ils ne firent aucune mauvaise rencontre.

Andriès Blom faisait partie de cette garde des plus faibles voyageurs de la colonie ; les hommes de l’escorte étaient peu chargés, devant avoir les mouvements libres pour pouvoir défendre les femmes et les enfants en cas d’attaque de la part des bêtes fauves. La marche s’opérant avec sécurité, il n’y avait rien d’étonnant à ce que chacun des gardes offrît d’alléger les fardeaux des personnes qui avaient consulté leur courage plus que leurs forces dans le choix des paquets à transporter.

Andriès fit d’abord cette proposition d’aide à sa mère, dont la haute taille se contournait sous le poids d’un grand panier chargé d’ustensiles de cuisine ; mais Mme Blom lui répondit gaiement :

« Non, merci. Quand je sens un bras engourdi, j’ai la ressource de passer mon panier à l’autre bras. Va plutôt offrir tes services aux jeunes filles. »

Andriès avait été tellement vexé des railleries de Katrinka lors de sa mémorable culbute dans la rivière, qu’il ne serait pas allé faire ainsi l’aimable et l’obligeant auprès d’elle, même si elle n’avait pas été déjà déchargée par Piet de son paquet de plaids. Le fils du baas portait en plus sur son épaule Gret, le singe favori de Katrinka. Du haut de son observatoire, l’animal malin faisait des grimaces et des malices aux piétons voisins, dont il recevait en retour de petites chiquenaudes sur son nez épaté.

Andriès fut tenté de punir Gret plus grièvement, lorsque le singe lui enleva son chapeau au passage ; mais il était trop fier pour s’exposer à un débat ridicule avec le petit Gret, qui aurait pu donner à Katrinka une nouvelle occasion de s’égayer à ses dépens, et il continuait à marcher tête nue quand Meisljé dit au singe favori de sa sœur :

« Oh ! le sot Gret qui ne sait qu’inventer pour être désagréable aux gens. Rendez-moi ce chapeau… Vite, monsieur ! »

Le singe, avec des démonstrations de gaieté folle, voulut coiffer sa tête pelée du chapeau d’Andriès, assez large pour lui servir de parasol ; ses petites mains noires en éraillaient le bord en s’y accrochant, et il se dandinait d’un air de triomphe et de défi.

Meistjé savait le moyen de venir à bout des entêtements de Gret. Elle tira de sa poche un biscuit et le tendit au singe en lui disant :

« Est-ce qu’il a faim, le cher petit Gret ? » Aussitôt les pattes brunes lâchèrent le chapeau, que Meistjé saisit au vol et qu’elle tendit à Andriès en lui disant :

« Vous êtes trop bon envers ce petit rusé. Il méritait un coup sur les doigts pour vous avoir décoiffé. Allons ! mettez vite votre chapeau. Ne risquez pas plus longtemps de gagner un coup de soleil.

— C’est vous qui êtes bonne, Meistjé, répondit Andriès, touché de ce que la jeune fille s’occupait de sa santé, et j’admire en plus comment vous savez vous faire obéir en vous y prenant doucement. Laissez-moi prendre ce paquet qui vous coupe les doigts.

— Non, non, je ne suis pas trop chargée. » Mais l’aimable blondine vit que son refus affligeait sérieusement Andriès ; elle consentit à ce qu’il tînt par un bout de la courroie le ballot de linge qu’elle portait ; elle soutenait le paquet de l’autre côté, et la route leur parut moins longue à tous deux, parce qu’ils la firent en causant avec cordialité.

On avait emporté dans ce premier voyage les objets de première nécessité, et l’on ne