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— À bientôt donc, dit Ludwig, je pars en messager de glorieuses nouvelles. Ah ! quelle réception l’on va te faire, mon ami Piet ! »

Il piqua des deux, laissant Piet et Hendrik occupés à dépouiller le lion. Ils avaient tellement l’habitude de ces sortes d’opérations qu’en peu de temps la peau fut enlevée et jetée en travers du cheval d’Hendrik.

À la lenteur des mouvements de son frère, Hendrik s’était aperçu que les forces de Piet trahissaient son courage, et, cette fois, Piet dut monter sur le cheval valide, tandis que son frère menait Hildy par la bride.

Moins d’une heure après, les voyageurs étaient assez rapprochés du camp pour distinguer les mouvements des émigrants.

« Qu’est-ce que cela ? que peut-il être survenu de fâcheux pendant notre absence ? » s’écria Hendrik.

Un émoi incompréhensible régnait sous le mowana. Chacun courait çà et là comme sous le coup d’un effarement subit. Hommes et animaux semblaient atteints de folie furieuse.

En proie à une inquiétude bien naturelle, les deux jeunes gens hâtèrent leur allure, tout en observant l’étrange tableau vers lequel ils s’avançaient.

Ils entendaient des cris d’alarme ; ils voyaient les serviteurs poursuivant les bestiaux pour les rassembler. Chose plus extraordinaire, les chariots étaient tirés hors de l’enceinte du camp. On attelait les bœufs, tandis que les Hottentots sellaient tous les chevaux. Les Vee-Boërs abandonnaient donc le campement qu’ils ne devaient pas quitter d’une ou deux semaines.

« Qu’y a-t-il donc ? dit Piet. Est-ce que les Tébélés nous attaqueraient pour nous rançonner, malgré la promesse de libre passage sur ses terres que leur chef a faite à notre père ?

— Ce ne peut être cela, répondit Hendrik. Je vois bien que la fatigue se fait sentir même à ton cerveau, mon cher Piet ; autrement, tu comprendrais qu’il nous serait plus aisé de nous défendre contre les sauvages dans un camp qu’en marche.

— C’est juste, murmura Piet ; mais que peut-il bien y avoir ? »

Ludwig, qui revenait vers eux à bride abattue, leur expliqua ce mystère.

« Ah ! mes pauvres amis, s’écria-t-il avec un visage consterné, quel triste retour à la place de la fête qu’on préparait à Piet !

— À qui donc est-il arrivé malheur ? demanda Hendrik.

— À tous, les tsétsés sont au camp ! »


CHAPITRE XII
UNE INVASION DE TSÉTSÉS


Le mot tsétsé n’est plus inconnu en Europe depuis que Livingstone et Stanley ont fait mention dans leurs ouvrages de ce fléau de l’Afrique méridionale.

Le tsétsé est un insecte à peine plus gros qu’une mouche ordinaire, mais dont la piqûre est mortelle pour les bestiaux et les animaux domestiques. Parmi ceux-ci, les ânes et les mulets sont les seuls qui résistent à son venin. Les animaux sauvages habitant les districts infestés par cet insecte jouissent du même privilège, et ne sont que tracassés, mais non rendus malades par la piqûre du tsétsé. Les naturalistes, qui donnent à cet insecte le nom scientifique de Glossinia morsitans, n’ont pu encore expliquer cette bizarre innocuité du dard du tsétsé sur ces espèces particulières, tandis qu’il est mortel pour les chiens, les chevaux et moutons et en général tout le bétail domestique.

Par bonheur, l’homme échappe aux attaques de ce tsétsé, aussi redoutable que le serpent à sonnettes et le cobra capel des Indes.

Au nom de tsétsé que leur disait Ludwig,