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soins immédiats. Il fallait le tamponner, le bouchonner, et, pour cela, retrouver le buisson d’herbe sèche et en faucher une nouvelle provision.

Piet s’acquitta allègrement de cette tâche. Le restant de l’herbe servit de fourrage au cheval affamé ; puis, Hildy, reconnaissant de tant de soins, sembla remercier son maître en lui frôlant plusieurs fois l’épaule de sa tête fine, tout en faisant entendre un petit hennissement.

« Je te comprends, va, lui dit Piet en le flattant de la main. Maintenant que tu as mangé, tu voudrais boire. Si tu étais capable d’entendre un raisonnement humain, je t’inviterais à prendre patience d’après l’exemple que je te donne, moi qui n’ai ni bu ni mangé depuis plus longtemps que toi… Je ne demanderais pas mieux que de partir sur-le-champ, mon pauvre Hildy, car nous ne trouverons pas d’eau ici mais nous nous égarerions de nouveau. La lune se voile ; ces gros nuages qui s’amoncellent ne nous permettraient pas de voir à deux pas de nous. Patience, mon bon cheval. »

L’obscurité devenait opaque en effet. Bientôt des éclairs sulfureux sillonnèrent la nue, et l’orage, — un véritable orage des tropiques, subit et violent, — éclata. Les roulements du tonnerre se succédaient sans interruption, et de vraies cataractes inondèrent les voyageurs.

Piet avait bon caractère ; il reçut ce déluge avec philosophie.

« Je réclamais tout à l’heure de l’eau pour Hildy, se dit-il en se secouant à la façon des caniches mouillés. Voici ce qui peut s’appeler être servi à souhait. Il tombe là de quoi désaltérer cent mille chevaux. »

À l’aide de son couteau de chasse, le jeune Boër creusa au pied de la fourmilière un trou capable de contenir autant d’eau qu’il en fallait pour désaltérer Hildy. La terre, compacte et durcie à cet endroit, ne buvait pas le liquide comme le sable spongieux de la prairie.

Quand l’orage cessa tout à fait, Piet n’avait pas un fil de sec sur le dos. C’était là le moindre de ses soucis. Une inquiétude autrement grave le tourmentait. Il songeait que la pluie avait sans doute effacé les traces de pas qui devaient le ramener au camp. Ces dernières heures de la nuit lui parurent plus pénibles que les premières.

La crainte du jeune chasseur n’était que trop bien fondée. Au point du jour, il eut beau examiner le terrain de tous côtés, les empreintes de pas avaient disparu.

Piet était plus que jamais égaré. Avec moins d’inquiétude que la veille, parce qu’il était rentré en possession de Hildy, son embarras restait aussi grand. Faute de mieux, il en revint à son premier guide, le soleil.

Les premiers feux de l’aurore doraient l’horizon. Le jeune Boër, s’imaginant qu’il fallait marcher vers l’est pour retrouver le camp du mowana, se dirigea de ce côté.

Hélas ! son raisonnement était faux ou bien le soleil l’induisit en erreur, car le pauvre Piet usa ses forces et celles de Hildy, sans en être plus avancé. Au bout d’une longue traite, il n’aperçut nulle part le mowana du camp, ni la moindre fumée indicatrice. Où pouvait être le gîte de la caravane ? Comment se retrouver dans une contrée où l’œil ne peut se poser sur aucun point de repère ?

Piet errait au hasard dans la prairie quand il aperçut de nombreuses marques sur le sol, qui, plus dur en cet endroit que près des fourmilières, avait gardé ces empreintes malgré la pluie. Un examen minutieux démontra au jeune homme que ces traces avaient été laissées par le passage du troupeau de buffles. Avec la certitude de cette indication, Piet se crut sauvé ; mais c’était se réjouir trop vite, et une seconde réflexion démontra au jeune chasseur que toutes les difficultés n’étaient pas résolues. Ces traces, en effet, pouvaient indiquer aussi bien la route suivie par les buffles pour s’éloigner du camp que le chemin pris par eux pour atteindre la rivière. Donc, l’alternative était d’arriver vite au camp ou de s’en éloigner en ligne directe.

Que décider ? Piet ne voulait pas courir la chance d’une erreur dont le résultat, dans cette solitude, ôtait pour lui la mort à bref terme ; il cherchait quelque nouvel indice pour discerner la bonne direction.

Un hasard providentiel vint le tirer d’embarras.

« Je suis fixé ! » s’écria-t-il tout à coup, pendant que son regard s’attachait sur une petite plaque d’eau légèrement teintée de rouge.

Que ce rouge fut du sang, Piet n’en doutait pas, et il supposait que ce sang provenait d’un des buffles blessés dans l’attaque d’ensemble fournie la veille par Andriès, Ludwig, Karl de Moor et lui-même.

… Mais alors, dans la direction contraire