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CHAPITRE X
LE RETOUR


La joie qu’inspirait au jeune chasseur la recouvrance inespérée de son cheval tenait à bien des motifs : d’abord, Piet aimait Hildy comme tout bon cavalier chérit sa monture pour les services rendus, pour les épreuves subies en commun, à cause de cette secrète entente qui s’établit entre un maître et l’humble dévouement d’un animal domestique. Et puis, Hildy était beau, de race pure, et toujours prêt à faire briller son cavalier ; autant de raisons pour lesquelles Piet était enchanté de n’avoir pas perdu à tout jamais ce fidèle ami. Mais, en dehors de ses rapports avec Hildy, le jeune Boër avait d’autres motifs de se féliciter de l’avoir en sa possession.

Il aurait eu beau raconter les choses telles qu’elles s’étaient passées, s’il était rentré au camp de l’allure piteuse d’un cavalier démonté, qui sait si l’on aurait ajouté foi à son récit ? Les chasseurs malheureux sont toujours soupçonnés de conter des fables quand ils s’excusent de leurs infortunes sur la fatalité d’événements défavorables.

Piet craignait donc de déchoir dans l’estime générale et surtout de démériter par sa mésaventure dans l’opinion de Klaas Rynwald, le père de Katrinka.

Le jeune homme croyait bien gardé le secret de son inclination pour cette aimable jeune fille, car il n’en avait fait confidence qu’à sa propre mère, et Mme Van Dorn, fort réservée de caractère, assurait toujours qu’un secret confié est une chose sacrée. Elle avait approuvé les sentiments de son fils, en l’engageant seulement à prendre le temps et la réflexion pour s’assurer du sérieux de son choix. D’après Mme Van Dorn, le père de Katrinka pourrait objecter la grande jeunesse de Piet, et, afin d’éviter une situation délicate, le jeune homme devait s’abstenir de déclarer et même de laisser deviner ses sentiments au cours du voyage entrepris.

« Oui, mère, je vous comprends, avait répondu Piet. Je me conduirai en route de telle sorte que Klaas Rynwald verra bien que je ne suis pas un enfant. Je veux qu’il reconnaisse que je suis de force et de taille à défendre ceux que j’aime. »

Jusqu’à cette malheureuse chasse, Piet espérait n’être pas sorti du programme qu’il s’était tracé ; mais si, après avoir été un sujet d’alarmes dans le camp, il allait y devenir un objet de pitié ? Certes, il y ferait désormais une moins bonne figure qu’Andriès Blom, sur lequel jusque-là il avait espéré l’emporter auprès de Katrinka. Dans sa modestie, Piet se figurait que la jeune fille établirait désormais entre Andriès et lui une comparaison à son propre désavantage, et il prenait à tâche de se déprécier au profit de son rival.

Mais tout était changé maintenant qu’Hildy était retrouvé. Faire au camp une entrée triomphale, monté sur le brave Hildy, le roër à l’épaule et orné de la queue du buffle comme preuve convaincante d’un duel heureux, changeait la situation du tout au tout. Piet ne cacherait pas l’incident de sa chute. Quel cavalier oserait gager de ne pas quitter les étriers quand sa monture fait sous terre un plongeon subit ?

Les moqueries, prévues en cas d’échec, se changeraient en félicitations ; chacun voudrait entendre le récit des aventures de Piet, et il l’arrangeait déjà dans sa tête pour le conter en termes intéressants, de façon à piquer l’intérêt à chaque péripétie de son roman de la prairie.

Sous l’empire de ces préoccupations agréables, le jeune chasseur avait perdu le goût du sommeil. D’ailleurs, son cheval réclamait des