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tout âge. On aurait admiré notamment la ravissante Katrinka, fille aînée de Rynwald, et sa sœur cadette, Meistjé. La première avait dix-huit ans et la seconde, à peine dix-sept. Chacune dans son genre de beauté, la blonde Katrinka aux yeux noirs et la mignonne Meistjé aux yeux d’un bleu de pervenche et à la chevelure d’or pâle, était un modèle de grâce et de séduisante simplicité.

Mme Rynwald, la digne mère de ces deux belles jeunes filles, était un remarquable type de cette élégance native que l’art est impuissant à imiter ; elle y joignait une ampleur de formes et une fraîcheur que possédait aussi, mais dans une gamme plus délicate, la blonde compagne de Blom. Quant à Mme Yan Dorn, brune comme son mari et d’assez haute taille, elle inspirait le respect par son maintien digne et sa physionomie sérieuse à traits réguliers et fermes.

Jan Van Dorn avait deux filles, Rychie et Annie, aimables et jolies, bien qu’un peu éclipsées par la beauté des filles de Rynwald ; mais le bon naturel de ces quatre jeunes personnes détruisait entre elles tout germe de rivalité d’amour-propre.

Les fils de Jan Van Dorn, Piet et Hendrik, étaient universellement aimés, le premier surtout, qui égayait de ses saillies et de sa fougue aventureuse les stations de la caravane ; avec leurs amis, Ludwig Rynwald et Andriès Blom, ils représentaient la jeunesse intelligente dans cette troupe d’émigrants où leurs pères représentaient l’autorité de l’expérience.

De petits garçons de cinq à dix ans et de gentilles fillettes de sept à douze complétaient le personnel des chariots. Chaque voiture emportait les pénates d’une famille, ayant pour chef l’un des trois cavaliers qui formaient l’avant-garde de la caravane.

Jan Van Dorn, Hans Blom, Klaas Rynwald, ces noms-là sont des noms hollandais.

Ceux qui les portaient appartenaient en effet à cette nation, d’origine du moins, sinon de fait actuel. C’étaient des Boërs, de riches Boërs, à en juger d’après le nombre de leurs bestiaux. Le troupeau qui escortait la caravane se composait d’au moins cent bêtes à cornes et d’environ trois cents moutons. Cette richesse pastorale indiquait que les émigrants appartenaient à la classe des Vee-Boërs.

Comme les Stockmen d’Australie et les Ranch-men de l’Amérique occidentale, les Vee-Boërs ne demandent la prospérité de leur famille qu’à l’élevage des bestiaux, ils n’ont pas de demeures fixes ; ils voyagent d’une place à l’autre, en quête de bons pâturages. Lorsqu’un terrain fertile promet pour quelque temps une nourriture abondante à leurs troupeaux, ils dressent des tentes ou se construisent des huttes de branchages ; mais, en général, leurs immenses chariots, fort bien outillés à l’intérieur et divisés en compartiments, leur servent de maisons. La famille entière se transporte ainsi de vallée en vallée, suivant les cours d’eau en quête d’un pâturage frais, et ces mœurs pastorales nous donnent, dans nos temps modernes, l’exemple fidèle de ce que fut autrefois la vie patriarcale. Le spectacle de l’humanité présente de ces anachronismes intéressants. Tels vivent au Transwaal ces Vee-Boërs, tels vivaient autrefois Jacob et Laban dans les plaines de l’Asie Mineure.

Que venaient faire ces Vee-Boërs, ces pasteurs, dans le désert inculte du Karrou ? La ville la plus proche d’eux, Zoutpansberg, située sur la frontière du Transwaal, leur pays, était derrière eux à plus de cinq cents kilomètres.

Tout établissement de blancs se trouvait loin ; ils parcouraient un territoire appartenant à une horde sauvage, les Tébélés, et se dirigeaient vers le nord.

Par quel hasard ces Vee-Boërs se trouvaient-ils si loin de leurs parages habituels ? quel concours de circonstances les avait ainsi chassés de leur pays ? Ce fait singulier demande un mot d’explication.

On a beaucoup entendu parler naguère de la république du Transwaal à propos de son annexion à leurs possessions du Cap, que les Anglais ont tentée. Les Boërs, habitants de ce petit pays conquis par eux sur la sauvagerie indigène, se refusaient avec énergie à la perte de leur indépendance. Beaucoup d’entre eux détruisirent de leurs propres mains leurs habitations, et s’en allèrent à l’aventure chercher la liberté sur un autre coin de ce territoire africain, si imparfaitement exploré encore. Ces braves gens préféraient s’exposer aux périls d’une expédition en pays inconnu que de rester spectateurs de l’asservissement de leur patrie.

Bon nombre de ces émigrants périrent en route, victimes de ce point d’honneur patriotique. On pourra juger des souffrances qu’endurèrent ces malheureux Transwaaliens par le récit fidèle des épreuves subies par la cara-