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sur le cheval de Ludwig, et disparut comme eut pu le faire une gazelle.

Les deux jeunes gens étaient en selle ; le gaucho, chargé de son précieux fardeau, s’y mit à son tour. Ils jetèrent tous un dernier regard sur la cité des morts ; bientôt les échafaudages qui supportaient les tombeaux disparurent à leurs yeux. Renseignés par Nacéna, ils avaient pris une route qui abrégeait pour eux la descente de la montagne. Bientôt le galop ferme et régulier de leurs chevaux indiqua qu’ils entraient dans la plaine.

Cependant Nacéna avait descendu le sentier qui menait à la ville des Tovas encore plongée dans le sommeil ; à mesure qu’elle en approchait, elle marchait plus lentement.


CHAPITRE XXI
LE RÉVEIL DES TOVAS


La jeune Indienne se dirigea vers le toldo de son frère. Elle le trouva debout ; deux guerriers influents de la tribu tenaient une sorte de conseil avec lui.

Nacéna demanda à être entendue d’eux ; elle leur raconta ce qui venait de se passer.

« Tu as bien fait, lui dit son frère.

— Nacéna a bien agi, » lui dirent à leur tour les deux chefs.

Il fut décidé qu’ils rassembleraient, dès que le jour serait venu, le conseil des vieillards, pendant que de son côté Nacéna convoquerait l’assemblée des matrones.

Là, il serait résolu qu’on appellerait Aguara pour qu’il eût à s’expliquer devant la tribu tout entière. Les femmes étaient indignées que le jeune chef eût pensé à leur donner pour reine une étrangère ; c’était un affront fait non seulement à Nacéna, mais à toutes les femmes de la tribu. Les vieillards, en souvenir de Naraguana, ne voulaient pas le condamner sans l’entendre. D’ailleurs, Aguara avait des partisans ; un certain nombre de jeunes guerriers, ses compagnons de chasse et de plaisir tenaient pour lui ; Valdez aussi, le renégat, était à ménager. Son esprit souple et délié, sa férocité, son courage lui donnaient une influence dont il fallait tenir compte, si l’on voulait éviter de jeter la division dans la tribu, et conjurer les dangers d’une guerre civile.

La nuit s’était achevée dans les conciliabules ; déjà le soleil se montrait à l’horizon.

La disparition de Francesca n’allait plus pouvoir rester secrète. Il n’y avait pas un instant à perdre. Il fut décidé qu’une députation de vieillards se rendrait à la demeure d’Aguara.

À leur grand étonnement, ils trouvèrent la ville déjà remplie d’agitation. Les Tovas sortaient de leurs toldos aussi rapidement que si l’un de leurs éclaireurs était entré dans la ville et avait annoncé l’arrivée subite d’un ennemi redoutable.

Ce qui avait produit cette soudaine émotion, c’était Shebotha ; Shebotha échappée évidemment des mains de Gaspardo. Elle avait traversé la ville en poussant des cris sauvages et ne s’était arrêtée que devant la demeure d’Aguara, en l’interpellant violemment par son nom. Aguara n’avait pas tardé à paraître.

« Que se passe-t-il ? s’était-il écrié, et pourquoi ce tumulte ?

— Ce qui se passe, répondit Shebotha. Allez au toldo où vous gardiez votre prisonnière, et vous le verrez, Aguara ; vous le trouverez vide… L’oiseau blanc, aidé par des traîtres, s’est envolé. »

Aguara n’attendit pas la fin de son discours. Il s’élança hors de son toldo et courut vers celui qu’avait occupé Francesca. Quand il se fut assuré qu’elle n’y était plus, un cri de rage sortit de sa poitrine ; se tournant vers les Indiens qui l’avaient suivi, il les convia à la