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les terriers des marmottes, ou des chiens de prairie de la même façon que l’espèce sud-américaine dans ceux des vizcachas. Tout en continuant à cheminer, il raconta à ses compagnons ce qu’il savait des marmottes. Gaspardo, de son côté, donna au jeune naturaliste un grand nombre de renseignements relatifs à la manière de vivre des vizcachas. Ludwig mettait une sorte de piété filiale à s’entretenir des choses qui avaient fait l’objet des études et des travaux de son père. Halberger avait laissé des ouvrages inachevés et le projet de Ludwig était tôt ou tard de les compléter.

« Il y a une chose certaine, dit le gaucho en terminant. Si ces animaux sont gênants pour nous, ils ne sont pas mauvais à manger. Que nous soyons encore à court de vivres, et nous pourrons facilement en prendre un qui nous fournira un bon repas. »

Ce que Gaspardo entendait en disant que ces animaux étaient gênants, c’était que leurs terriers constituaient un grand obstacle à la marche rapide des chevaux, qui, en enfonçant dans ce sol rendu friable, avaient les plus grandes chances pour trébucher et culbuter.

Aussi les voyageurs n’avançaient-ils que lentement à travers les travaux des vizcachas, et avaient-ils soin de les tourner, lorsqu’ils n’occupaient pas une assez grande étendue pour occasionner un retard trop considérable.

Les voyageurs trouvaient d’ailleurs une certaine compensation aux difficultés de la route, en observant ces curieux rongeurs et leurs singulières habitudes.

Ils arrivèrent sans accident au delà de la région des terriers. La stérilité et la dénudation du territoire qu’ils atteignirent alors produisit sur leur esprit un effet attristant. Ils en ressentirent tous l’impression et, pendant un certain temps, ils avancèrent sans échanger une seule parole.

Gaspardo, qui était, sans vouloir le dire, de plus en plus inquiet sur la route à suivre, marchait à une assez grande distance en avant Tantôt il interrogeait le soleil, tantôt il sondait l’horizon, tantôt enfin, les yeux fixés à terre, il demandait aux plus petits accidents du sol de lui révéler une trace quelconque du passage des Indiens.

Tout à coup, une joyeuse exclamation sortit de sa poitrine.

« Enfin ! s’écria-t-il, Gracias a Dios !

— Qu’y a-t-il, Gaspardo ? s’écrièrent les deux jeunes gens.

Caramba, muchachos ! Rien que le rastro des brigands. Regardez ! voyez-vous où ils se sont arrêtés ! et là, l’endroit d’où ils sont repartis ! Ah ! maintenant je comprends tout. C’est ici que les coquins ont été pris par cette même tormenta qui nous a forcés à nous réfugier dans la caverne. Tout nous dit, à une minute près, le moment où ils ont passé ici. Voyons donc si nous ne pouvons rien apprendre de plus. »

En disant cela, il sauta à bas de son cheval, et se mit à examiner la piste.

Sur ces entrefaites, Ludwig et Cypriano avaient reconnu comme lui les traces qui l’avaient frappé. Un espace de terrain assez large était complètement recouvert d’empreintes de chevaux ; à une certaine distance il se rétrécissait et prenait la forme d’un sentier, comme si les cavaliers se fussent mis en double file et se fussent éloignés en ordre de marche. À l’endroit le plus foulé, les empreintes des pas se divisaient et s’entrecroisaient dans toutes les directions, ce qui montrait que la troupe avait fait là un arrêt sérieux ; mais au point où elles se réunissaient, elles se concentraient toutes vers un même point.

Ces informations étaient lisiblement écrites sur l’épaisse couche de poussière qui s’était convertie en boue par l’action de la pluie.

C’était clair. Une bande d’indiens Chaco marchait en cet endroit au moment où la tormenta s’était élevée. Ils s’y étaient arrêtés pour laisser passer sa fureur, et quand elle avait cessé, ils étaient remontés à cheval et étaient repartis.

Un seul coup d’œil avait révélé tous ces détails à Gaspardo. Mais il avait quitté la selle pour voir si parmi les empreintes il ne pourrait pas reconnaître celle du petit cheval monté par la fille de son maître.

Cypriano, sautant à terre, vint l’aider dans sa recherche, et fut bientôt rejoint par Ludwig.