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duire les œuvres choisies à des proportions acceptables pour nous, en leur donnant un surcroît de mouvement et de vie. Nul n’était mieux apte à une telle besogne que P.-J. Stahl, un de ces vaillants écrivains qui joignent au souci du lecteur le respect d’eux-mêmes, et n’ont jamais rien livré au public que n’eût préalablement approuvé leur propre jugement. Une telle délicatesse littéraire est de nos jours devenue peu commune. Alors, elle était presque de règle, et n’était point compté, en qualité d’homme de lettres, quiconque y contrevenait.

C’est ainsi qu’il fit pénétrer, en France, en accentuant encore ce qu’ils ont de charme et de séduction, les ouvrages les plus appréciés du conteur anglais, ceux qu’il avait jugés devoir faire bonne figure en compagnie des livres originaux qu’il publiait, et qui prenaient dès lors une place prépondérante.

Il y a, dans l’œuvre de Mayne-Reid, deux genres de romans : l’un comprend uniquement des récits d’aventures de chasse ou de pêche, sans l’ombre d’intrigue. Les chapitres se suivent, rattachés entre eux, par un lien très sommaire, à peu près suffisant pour un semblant d’action. C’est à cet ordre de compositions qu’appartiennent les Émigrants du Transwaal, les Vacances des jeunes Boërs et les Chasseurs de girafes. L’auteur y est avant tout préoccupé de n’omettre aucun des produits du sol où ses héros opèrent et de faire connaître, par quelques types, les races ou familles, qui peuplent, en si grand nombre, les vastes étendues de l’Afrique méridionale, notamment le Transwaal et ses sauvages contrées, qui présentèrent tant de surprises et tant de dangers aux premiers immigrants.

Ailleurs, et dans des œuvres plus romanesques, Mayne-Reid a donné carrière à son imagination, tout en restant fidèle à son programme de vulgarisation. L’action se complique dans les deux Filles du Squatter, les Chasseurs de chevelures ; l’intrigue se corse, on trouve ici et là un éclair de passion, mais toujours discrètement exprimée, juste ce qu’il faut pour plaire à un jeune public, sans éveiller, chez lui, non pas une idée seulement douteuse, mais des réflexions qui font travailler ces frêles imaginations et finissent par susciter parfois des curiosités fâcheuses.

Non, rien de pareil dans les livres de Mayne-Reid. Ce que l’on y rencontre, c’est l’honnêteté même, avec le charme d’inventions successives et cette couleur locale toujours si bien observée, en quelque sorte si vécue, et qui doit séduire, du premier coup, des esprits neufs, curieux des choses aventureuses et charmés de voyager, avec un si bon guide, dans des régions ignorées d’eux jusque-là.

Ils sont nombreux dans l’œuvre de Mayne-Reid, ces attrayants récits, comme le Chef au Bracelet d’Or, la Montagne-Perdue, etc. Il en faudrait citer bien d’autres, où l’auteur met en présence, avec une habileté rare, les derniers fils de la race indigène et les pionniers qui surviennent, pour troubler leur quiétude séculaire et défricher, dans le but de lui arracher la fortune, un sol vierge, tout rempli de richesses mortes, c’est-à-dire jusqu’alors dédaignées et par conséquent inutilisées. C’est en quelques endroits, une sorte d’évocation historique. Ailleurs, ce sera, aux yeux du lecteur surpris, l’apparition subite de contrées merveilleuses, presque abandonnées, paradis terrestres progressivement conquis par l’activité de la race blanche, et dont la transformation, si heureuse pour la prospérité générale, ne va pas sans une certaine mélancolie, inspirée par la contemplation des vastes espaces et aussi par l’idée de civilisations effacées ou en train de disparaître.

La lecture des œuvres de Mayne-Reid est, comme on le voit, très variée dans son ensemble, et aussi instructive que pleine d’attrait et de poésie exotique. On n’en trouverait point, aujourd’hui même, de meilleure et de mieux appropriée aux préoccupations de notre époque, soucieuse de colonisation, et où les idées d’émigration se développent, sous l’impulsion de causes diverses que nous n’avons point à rechercher ici