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« Comment ! lit l’homme, l’un de ces deux messieurs qui viennent de s’entre-tuer, c’était…

— Mac Diarmid, acheva Frank.

— On nous a conté l’affaire à la station dès notre arrivée ; mais nous étions trop pressés pour nous en occuper tout d’abord, et nous étions loin de nous douter qu’il s’agissait de l’accusé… »

Le caractère officiel du juge Brinton et de Frank Armstrong, qui fit connaître sa qualité, supprimait même la possibilité d’un doute sur ces déclarations. Aussi, après les avoir rédigées en forme de procès-verbal, et avoir obtenu la signature des deux gentlemen, l’officier de police se retira-t-il avec ses hommes.

Cependant, ces lugubres nouvelles se furent bientôt répandues dans la maison.

Dire qu’elles y produisirent une consternation profonde serait sans doute exagéré. Si Juliette sut mesurer d’un coup d’œil la perte qu’elle venait de faire, sa diplomatie était trop en éveil pour lui permettre d’en rien manifester. Quant à Nettie, qui naguère prétendait avoir été malade d’inquiétude à la seule pensée des dangers courus par Cornélius, elle aurait peut-être dû au culte des vraisemblances de le suivre dans la tombe, maintenant qu’il y était véritablement descendu. Mais la vérité oblige à dire qu’elle n’en eut pas seulement la pensée.

Le plus affecté était sans doute le pauvre juge, qui voyait s’envoler du même coup le mari rêvé pour sa fille et l’acheteur rêvé pour ses actions. Mais lui non plus n’était pas de ces natures tout d’une pièce que le premier chagrin de la vie laisse frappées sans retour, et il est permis de croire, sans le calomnier, que, cinq minutes après s’être assis à la table du déjeuner, il avait déjà perdu de vue la catastrophe.

Ce n’en était pas moins une de ces tragédies qui coupent court à tout projet de fêtes. Adieu Noël et ses gaietés dans une maison que la mort vient de visiter. La situation particulière du colonel Saint-Aure et de Frank Armstrong, vis-à-vis de l’infortuné Cornélius, rendait leur présence à Brintonville spécialement pénible dans ces circonstances, et leur parti fut bientôt pris de dénouer la difficulté par un départ.

À midi, les malles étaient faites, les adieux échangés, et l’express emportait les visiteurs loin des scènes de deuil qu’ils prévoyaient si peu la veille en montant en traîneau.

Chacun tira de son côté : les Saint-Aure vers Philadelphie ; Frank Armstrong, après avoir, avec Meagher, rendu les derniers devoirs à ce qui restait de Mac Diarmid, et fait une visite à sa mère et à sa sœur, très fermes dans leur profond désespoir, — Armstrong, le cœiir assombri, partit pour l’Illinois, où résidait sa famille, qu’il n’avait pas encore visitée depuis la campagne d’été.

Quant à Meagher, il avait promis à Armstrong de se taire pendant deux mois sur la vraie histoire de Mac Diarmid. Sûr d’Armstrong, cette histoire connue de lui et du lieutenant seulement, était une réserve qui ne pouvait lui échapper.