Page:Reid, À fond de cale, 1868.djvu/84

Cette page n’a pas encore été corrigée

pas tout encore ; on m’aurait aperçu du rivage, et la fin de l’aventure n’avait plus rien de tragique.

Mais à quoi bon ces pensées ? Je n’avais pas même l’intention de tenter cette escalade ; une seule idée me préoccupait : c’était de savoir par quel moyen je pourrais m’attacher à la pièce de bois de manière à ne pas en descendre, comme je l’avais fait jusqu’ici, au bout de quelques instants.

J’atteignis enfin mon but, et non sans peine ; car je nageais contre le vent, la marée et la pluie. C’est avec transport que je lançai mes bras autour de mon poteau, de ce vieil ami auquel je devais l’existence ; et il me sembla que j’étais sauvé. Pendant quelques minutes, mon corps flotta sur l’eau, grâce à l’appui que j’avais retrouvé ; et si les flots avaient été paisibles, il est probable que je me serais maintenu dans cette position jusqu’à la marée descendante. Malheureusement, la mer était loin d’être calme. Elle s’apaisa, il est vrai, pendant quelques minutes ; je repris haleine ; mais ce moment de répit fut bien court ; le vent ne tarda pas à recouvrer toute sa violence, et les vagues, plus furieuses qu’elles n’avaient encore été, m’enlevaient jusqu’au bord inférieur de la barrique, me laissaient retomber tout à coup en se dérobant sous moi, et, me reprenant en travers, me forçaient à nager autour de mon support, comme un acrobate qui fait la roue, en se tenant perpendiculairement à une perche qui lui sert de pivot.