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À la fin cependant mes yeux rencontrèrent ce mât de secours. Sans le savoir, je m’en étais éloigné de plus de vingt mètres ; et si j’avais laissé faire le vent et la marée, ils m’auraient emporté en dix minutes assez loin du récif pour qu’il me fût ensuite impossible d’y revenir.

Dès que je l’eus aperçu, j’allai droit au poteau ; non pas que je vis clairement à quoi il pourrait me servir ; l’instinct seul me dirigeait vers lui. Comme tous les malheureux qui, au moment de se noyer, se rattachent à un brin de paille, je me portais, dans mon trouble, vers la seule chose qui fût à ma portée, espérant sans doute que j’y trouverais mon salut. Je n’avais plus ma raison, et cependant, quand j’approchai du poteau, l’idée subite qu’il me serait inutile vint frapper mon esprit et raviver mes angoisses.

Je pouvais bien franchir les cinq ou six mètres qui me séparaient de la futaille, mais non pas gagner le faîte de cette dernière. Je l’avais essayé plusieurs fois, à un moment où la fatigue n’avait pas réduit mes forces ; et, malgré le désespoir qui soutenait ma vigueur, j’étais sûr de ne point y réussir.

Pourtant si j’avais pu m’installer sur le bout du tonneau, j’étais sauvé, je n’avais plus rien à craindre ; la surface en était assez large pour me permettre d’y rester, même pendant la tempête. Ce n’est