Page:Reid, À fond de cale, 1868.djvu/67

Cette page n’a pas encore été corrigée

Je jetai les yeux vers la côte ; mais c’est à peine si je distinguais les maisons du village. Comme pour ajouter à l’horreur de ma situation, le temps s’était couvert, et le ciel m’était caché par des nuées grises que le vent chassait avec violence.

Je ne pouvais pas même crier pour demander du secours ; à quoi bon ? ma voix que le bruit des vagues aurait étouffée, ne se serait pas entendue, quand même il aurait fait beau ; je le comprenais si bien que je restai silencieux.

Et pas un navire, pas un bateau sur la baie ! C’était le dimanche, personne n’allait à la pêche ; les seules embarcations qui fussent dehors conduisaient leurs passagers à un phare célèbre, situé à quelques milles du village, et qui servait de but de promenade à ceux qui voulaient faire une partie de plaisir. Il était probable qu’Henry Blou s’y trouvait avec les autres.

Pas une voile aux quatre points de l’horizon ; la mer était déserte, et je me sentais aussi abandonné que si j’avais été au fond d’un cercueil.

Je me rappelle encore l’effroi que j’éprouvai de cette solitude ; et je me souviens de m’être affaissé sur moi-même, en pleurant avec désespoir.

Les goëlands et les mouettes, probablement irrités de ma présence qui avait troublé leur repas, arrivaient en foule et planaient au-dessus de ma tête, en m’assourdissant de leurs cris odieux.