Page:Reid, À fond de cale, 1868.djvu/352

Cette page n’a pas encore été corrigée

couteau je fis au sac une ouverture suffisante pour y passer la main. Ce ne fut pas nécessaire : à peine avais-je fendu la toile, qu’une substance poudreuse s’en échappa, et que mes doigts, en se refermant, saisirent une poignée de farine. Je la portai à ma bouche : c’était de la farine de froment, j’en avais l’assurance.

Quelle heureuse découverte ! je n’avais plus peur de mourir de faim, plus besoin de manger des rats. Avec de la farine et de l’eau je pouvais vivre comme un prince. Elle était crue, direz-vous ? Qu’importe, elle n’en était pas moins agréable et saine.

« Dieu soit loué ! » m’écriai-je en pensant à la valeur de cette découverte.

Je travaillais depuis longtemps, j’étais fatigué, j’avais grand’faim, et ne pus résister au désir de faire immédiatement un bon repas. Je remplis mes poches de farine et me disposai à retourner près de mon tonneau. Avant de partir j’eus toutefois la précaution de fermer la plaie que j’avais faite à mon sac, en y fourrant des morceaux de toile, et j’opérai ma descente.

Les rats, y compris le sac de laine qui me servait de garde-manger, furent placés dans un coin ; j’espérais bien n’avoir plus à les en sortir ; et faisant une pâte avec ma farine, je la mangeai d’aussi bon cœur que s’il se fût agi d’un tôt-fait ou d’un pouding à la minute.