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Je ne tardai pas à lui désobéir, et vous allez voir que cela faillit me coûter la vie.

Mais laissez-moi vous parler du malheur qui, à cette époque, vint changer mon existence.

Je vous ai dit que mon père était patron d’un vaisseau marchand qui faisait le commerce avec les îles d’Amérique. Il était si peu à la maison que c’est tout au plus si je me le rappelle ; je ne me souviens que de l’ensemble de son visage : une belle et et bonne figure, au teint bronzé par la tempête, mais pleine de franchise et d’enjouement.

Ma mère avait sans doute pour lui une affection bien vive, puisqu’à dater du jour où elle apprit sa mort, elle ne cessa de décliner, et mourut quelques semaines après, tout heureuse d’aller rejoindre son mari dans l’autre monde.

J’étais donc orphelin, sans fortune, sans asile. Mon père, en se donnant beaucoup de peine, gagnait bien juste de quoi subvenir aux dépenses de la famille, et, malgré son rude travail, ne laissait pas la moindre épargne. Que serait devenue ma mère ? Combien de fois, au milieu des regrets que je donnais à sa mémoire, n’ai-je pas remercié la Providence de l’avoir rappelée de cette terre, où elle n’avait plus qu’à souffrir ! Il fallait tant d’années avant que je pusse lui être utile et pourvoir à ses besoins !

Mais pour moi, qui restais seul et pauvre, la mort de mon père devait avoir les plus sérieuses conséquences.