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ma barque sans le secours de personne. J’étais fier de ce haut fait ; et jugez de mon orgueil lorsque, honoré de la confiance du maître, j’allais prendre son bateau dans une petite anse où il était amarré, afin de le conduire à quelque point de la côte, où Henry m’attendait. Il arriva bien qu’en passant près du rivage ou d’un sloop immobile, j’entendais certaines voix ironiques se récrier sur ma présomption apparente : « Un beau gaillard pour manier une paire de rames ! Ohé ! vous autres, regardez-moi ce bambin qui tette encore sa mère, et qui se mêle de conduire un bateau ! » Et les rires se joignaient aux railleries. Que me faisaient ces insultes ? Au lieu de me mortifier, elles doublaient mon ardeur, et je montrais qu’en dépit de ma petitesse, je pouvais conduire ma barque, non-seulement dans la direction voulue, mais encore aussi vite que la plupart de ceux qui avaient deux fois ma taille.

Au bout de quelque temps, personne, excepté les étrangers, ne pensa plus à se moquer de mon audace ; chacun dans le village connaissait mon adresse, et, malgré mon peu d’années, on me parlait avec respect. Quelquefois ils m’appelaient en riant le petit marin ou le jeune matelot ; mais c’était avec bienveillance, et ils finirent par me baptiser du nom de petit Loup de mer, qui prévalut sur tous les autres.

Ma famille avait d’ailleurs l’intention de me faire entrer dans la marine : je devais accompagner mon