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toutes les tortures de l’isolement ; tandis qu’à l’heure dont je vous parle, la perspective était bien plus attrayante.

Dans quelques jours, s’il n’arrivait pas d’obstacle, je reverrais le ciel, je respirerais un air pur, j’entendrais le son le plus doux qu’il y ait au monde : celui de la voix de ses semblables.

J’étais comme un voyageur qui, perdu depuis longtemps dans le désert, entrevoit à l’horizon quelque indice d’un endroit habité : un bouquet d’arbres, une colonne de fumée que le vent agite, une lumière lointaine, quelque chose enfin qui lui donne l’espoir de rentrer dans la société des hommes.

Peut-être était-ce la douceur de cette vision qui m’empêchait de procéder à la hâte. L’œuvre que j’allais entreprendre avait trop d’importance pour qu’on s’y livrât sans réfléchir. Quelque difficulté imprévue pouvait s’opposer au succès, un accident pouvait tout perdre au moment de recueillir le prix de tant d’efforts.

Il fallait tout prévoir, s’orienter avec soin, et n’agir qu’avec certitude. Une seule chose paraissait évidente : c’était la grandeur de la tâche que je m’étais imposée ; je me trouvais au fond du navire, et je n’ignorais pas la profondeur de la cale ; je me rappelais combien j’avais eu de peine à tenir jusqu’au bout, tant elle était longue, la corde à laquelle j’avais glissé pour descendre ; et l’écoutille