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après l’autre, ayant soin de refermer le sac à chaque fois. J’en avais dix.

« Ah ! ah ! m’écriai-je en apostrophant les morts, Je vous tiens donc, odieuses bêtes ! Vous expiez les tourments que vous m’avez fait souffrir ; c’est de bonne guerre ; si tous n’aviez pas engagé la lutte, vous seriez encore sains et saufs dans vos galeries ; je n’aurais pas songé à vous détruire ; mais en me réduisant à la famine, vous m’avez contraint d’en venir à cette extrémité. »

Tout en faisant ce discours, je dépouillais l’un de mes rats, avec l’intention de le manger immédiatement.

Bien loin de ressentir du dégoût pour le repas que j’allais faire, j’éprouvais la satisfaction que vous avez eue cent fois en face d’un bon dîner, qui chatouillait votre appétit.

J’avais tellement faim, que je pris à peine le temps d’écorcher la bête ; et cinq minutes après j’avais avalé mon rat : la chair et les os, tout y avait passé.

Si vous êtes curieux d’en savoir le goût, je vous dirai qu’il n’a rien de désagréable ; et que ce mets primitif me parut aussi bon qu’une aile de volaille ou qu’une tranche de gigot. C’était mon premier plat de viande depuis que je me trouvais à bord, c’est-à-dire depuis un mois ; et cette circonstance, jointe au jeûne prolongé qu’il m’avait fallu subir, ajoutait