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Était-ce à un effet du hasard que je devais mon salut ? J’y voulus voir un fait providentiel ; et si la prière peut exprimer la gratitude, la mienne porta au Seigneur l’élan de ma reconnaissance.

J’ignorais donc si j’avais été boire. Dans tous les cas ma soif était ardente, et l’eau que j’avais prise m’avait peu profité ; je cherchai bien vite ma tasse, et ne la remis sur la tablette qu’après avoir bu au moins deux quartes.

Le mal de cœur disparut, et les fumées, qui obscurcissaient mon esprit, s’évanouirent sous l’influence de cette libation copieuse. Mais avec la possession de moi-même revint le sentiment des périls dont j’étais environné.

Mon premier mouvement fut de reprendre ma besogne au point où je l’avais interrompue ; mais aurais-je la force de la poursuivre ? Qu’arriverait-il si je retombais dans le même état, si la torpeur me gagnait avant que je pusse sortir de la futaille, si je manquais de présence d’esprit, ou de courage pour le faire ?

Peut-être pourrais-je travailler quelque temps sans éprouver d’ivresse, et m’éloigner aussitôt que j’en ressentirais l’effet. Peut-être ; mais s’il en était autrement ? si j’étais foudroyé par ces effluves alcooliques ? Savais-je combien de temps je leur avais résisté ? je le cherchai dans ma mémoire, et ne pus pas m’en souvenir.