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mer, une brise un peu plus forte, qui augmenterait le roulis, répandrait toute ma boisson.

Je renonçai d’autant plus vite à cette folle idée, qu’elle m’en suggéra une autre beaucoup plus avantageuse : c’était de traverser la pipe d’eau-de-vie ; elle était placée de manière à rendre l’opération moins difficile, et je me souciais fort peu de la perte de sa liqueur. Peut-être y avait-il derrière elle une provision de biscuit ; rien ne le prouvait ; mais ce n’était pas impossible, et le doute c’est encore de l’espoir.

Couper en travers les douelles de chêne qui formaient le fond de la barrique, c’était bien autre chose que de trancher le sapin d’un emballage ; et mon couteau n’avançait guère. Toutefois, j’y avais déjà fait une incision, lorsque j’étais à la recherche d’une seconde pipe d’eau douce, et passant ma lame dans cette première entaille, je continuai celle-ci jusqu’à ce que la planche fût entièrement coupée ; je me mis alors sur le dos, je m’arc-boutai contre l’étoffe qui remplissait ma cellule, en appliquant le talon de ma bottine à la douelle, je m’en servis comme d’un bélier pour enfoncer le tonneau. La besogne était rude, et la planche de chêne fit une longue résistance ; à force de cogner, je parvins cependant à briser l’un de ses joints ; elle céda, et, redoublant de vigueur, je finis par la repousser dans la futaille.