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restaient ; et les mettant dans un morceau d’étoffe, je roulai celui-ci comme un porte-manteau que j’attachai avec un fragment de lisière ; je le plaçai dans un coin ; puis le croyant en sûreté, j’allai me remettre à l’ouvrage.

Me traînant sur les genoux, tantôt les mains vides, tantôt chargé d’étoffe, je ne ressemblais pas mal à une fourmi qui fait ses provisions ; et pendant quelques heures je ne fus ni moins actif ni moins courageux que cette laborieuse créature. La chaleur était toujours excessive, l’air ne circulait pas plus qu’autrefois dans ma cabine ; la sueur me jaillissait de tous les pores. Je m’essuyais le visage avec un morceau de drap, et il y avait des instants où j’étais presque suffoqué. Mais le puissant mobile qui me poussait au travail m’éperonnait vigoureusement, et je continuai ma besogne, sans même songer à me reposer.

Mes voisins, pendant ce temps-là, me rappelaient sans cesse leur présence ; il y avait des rats partout ; dans les interstices que les futailles laissent entre les caisses, dans les encoignures formées par la charpente de la cale, dans toutes les crevasses, dans tous les vides. Je les rencontrais sur ma route, et plus d’une fois je les sentis courir sur mes jambes. Chose singulière, ils m’effrayèrent beaucoup moins depuis que je savais que c’était pour mon biscuit, non pour moi, qu’ils venaient dans ma cabine ;