Page:Reid, À fond de cale, 1868.djvu/258

Cette page n’a pas encore été corrigée

les barriques ; mes tampons se dérangeaient et finissaient par tomber ; la peur de l’invasion me reprenait aussitôt, et je passais tout mon temps à me relever de mes chutes, pour boucher les crevasses qui se renouvelaient sans cesse.

Mieux valait, après tout, s’occuper à cela que de n’avoir rien à faire ; la nécessité d’entretenir mes remparts m’aida à passer le temps ; et les deux jours que dura la tempête, y compris le soulèvement des flots qui en est la suite, me parurent beaucoup moins longs que les autres. Je souffrais bien davantage quand il me fallait rester oisif, en proie aux tortures que l’isolement et les ténèbres me causaient alors, et qui devenaient si vives que je craignais d’en perdre la raison.

Vingt jours s’étaient écoulés depuis que j’avais établi mon bilan ; je le voyais à la taille qui me servait d’almanach. Sans cette indication, j’aurais pensé qu’ils y avait bien trois mois, pour ne pas dire trois ans, tant les journées m’avaient paru longues.

Pendant ce temps-là, j’avais strictement observé la loi que je m’étais faite à l’égard de ma nourriture. Malgré la faim que j’avais eue, et qui souvent m’aurait permis d’absorber en une fois la part de toute la semaine, je n’avais jamais excédé ma ration. Que d’efforts cette observance rigoureuse m’avait coûtés ! Combien chaque jour il me fallait de