Page:Reid, À fond de cale, 1868.djvu/233

Cette page n’a pas encore été corrigée

revinssent à l’esprit au moment dont nous nous occupons. Je me souvenais de tous leurs détails, et ce n’était pas de la crainte, mais de la terreur que j’éprouvais. Il faut dire que celui dont je parle était l’un des rats les plus énormes qu’on pût trouver ; je suis certain qu’il était aussi gros qu’un chat parvenu à moitié de sa croissance.

Dès que je fus un peu revenu de ma première émotion, je déchirai une petite bande de ma chemise pour en envelopper mon pouce. Il avait suffi de quelques minutes pour que la blessure me fît énormément souffrir ; car la dent du rat n’est guère moins venimeuse que la queue du scorpion.

Je n’ai pas besoin d’ajouter qu’après cet épisode, il ne fut plus question de sommeil. Vers le matin je m’assoupis un instant, mais pour retomber dans le plus affreux cauchemar, où j’étais saisi à la gorge tantôt par un rat, tantôt par un crabe, dont les dents ou les pinces me réveillaient en sursaut.

Pendant tout le temps que je ne dormais pas, j’écoutais si l’ignoble bête faisait mine de revenir ; mais elle ne donna aucun signe de sa présence pendant tout le reste de la nuit. Peut-être l’avais-je serrée plus fort que je ne croyais, et il était possible que cet empoignement héroïque suffît à l’éloigner de ma personne. J’en acceptai l’augure ; et ce fut bien heureux pour moi que cet espoir me soutint, car, sans lui, j’aurais été longtemps sans dormir.