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Je me souvenais parfaitement d’avoir rompu mon biscuit, d’en avoir réservé pour le soir une moitié que j’avais mise entre ma tasse et mon couteau. Il fallait bien que je l’en eusse ôtée, puisqu’elle n’y était plus. Je ne l’avais pas fait tomber par accident, car je ne me rappelais pas avoir fouillé sur la tablette, jusqu’au moment où j’avais voulu prendre l’objet dont la disparition m’avait frappé. En outre, s’il fût tombé de sa place, je l’aurais trouvé en cherchant sur mon tapis. Il n’avait pu rouler sous le tonneau ; car j’avais rempli tous les vides de ce côté-là, en y fourrant des morceaux de drap pour que ma couche fût plus unie.

Toujours est-il que mon biscuit avait disparu, soit par ma faute, soit autrement. Si je l’avais mangé, il était dommage de l’avoir fait avec si peu de réflexion ; car ce moment d’absence m’avait privé de tout le bénéfice du repas.

Je fus longtemps à me demander si je tirerais un autre biscuit de la caisse, ou si je me coucherais sans souper. La faim était vive, la tentation bien forte ; mais la crainte de l’avenir décida la question, et, appelant toute ma fermeté à mon aide, j’avalai mon eau claire, replaçai ma tasse sur la tablette, et m’étendis sur ma couche.