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que cela, je me trouvais au fond de la mer, j’étais mort, et j’en avais conscience. Je distinguais tout ce dont j’étais environné ; je voyais entre autres choses, d’horribles monstres, des homards et des crabes gigantesques, s’approcher de moi en rampant, comme pour me déchirer de leurs tenailles aiguës et se repaître de ma chair. L’un d’eux surtout captivait mon attention : il était plus grand que les autres, avait l’air plus féroce, et me menaçait de plus près. Chaque seconde le rapprochait encore ; il atteignit ma main, je sentis sa carapace se traîner sur mes doigts, et je ne pus faire aucun mouvement.

Il me gagna le poignet, et me monta sur le bras gauche, qui était éloigné de mon corps. Son dessein était de me sauter à la gorge ou à la figure ; je le voyais au regard avide qu’il lançait tour à tour sur mon cou et sur ma face, et malgré l’horreur que je ressentais, il m’était impossible de le repousser. Aucun de mes muscles ne voulait m’obéir ; c’était tout naturel puisque j’étais noyé. « Ah ! le voilà sur ma poitrine… à ma gorge… il va m’étrangler !… »

Je m’éveillai en poussant un cri, et en me dressant avec force ; je me serais trouvé debout s’il y avait eu assez d’élévation pour le permettre ; j’allai donner de la tête contre les douelles de mon tonneau, et je retombai sur ma couche, où il me fallut quelques instants pour rappeler mes esprits.