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les bouchées de pain que je tenais au-dessus de leurs têtes. J’avais presque vidé mes poches, quand la motte de terre sur laquelle j’étais perché se détacha brusquement et glissa dans le bassin.

Je tombai dans l’eau en faisant le même bruit qu’une pierre, et comme elle, je serais allé au fond, si ma chute ne s’était faite au milieu des cygnes, qui furent sans doute extrêmement étonnés.

Je ne savais pas nager ; mais l’instinct de la conservation, qui se retrouve chez toutes les créatures, me fit lutter contre le péril. J’étendis les mains au hasard, et cherchant, comme tous les noyés, à saisir un objet quelconque, ne fût-ce même qu’un brin de paille, je rencontrai quelque chose dont je m’emparai vivement, et à laquelle je m’attachai avec la force du désespoir.

À mon premier plongeon, mes yeux et mes oreilles avaient été pleins d’eau, et je savais à peine ce qui se passait autour de moi. J’entendais le bruit que faisaient les cygnes en fuyant avec terreur ; mais ce n’est qu’au bout d’un instant que j’eus conscience d’avoir saisi la patte du plus gros et du plus vigoureux de la bande. La peur avait décuplé ses forces et il me traînait rapidement vers l’autre bord, en agitant les ailes comme s’il eût cherché à s’envoler. Je ne sais pas comment aurait fini l’aventure, si le voyage que l’oiseau me faisait faire avait duré longtemps. Quand je dis que je ne le sais pas,