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les cygnes allonger leur grand cou, et sauter en l’air de temps en temps pour saisir la bouchée de pain, absolument comme un chien aurait pu le faire.

Un jour, étant arrivé de très-bonne heure sur la bord du petit lac, je n’y trouvai pas mes camarades. J’avais mon petit bateau sous le bras ; je le lançai comme d’habitude, et me disposai à le rejoindre sur l’autre rive, au moment où il y aborderait.

C’était à peine s’il y avait un souffle dans l’air, et mon petit sloop marchait avec lenteur ; je n’étais donc pas pressé, et je me mis à flâner sur le bord du bassin. En quittant la maison, je n’avais pas oublié les cygnes ; ils étaient mes favoris, et je crains bien, quand j’y pense, que mon affection pour eux ne m’ait poussé plus d’une fois à commettre de légers vols ; il faut avouer que les tranches de pain qui remplissaient mes poches avaient été, ce jour-là, prises en cachette au buffet.

Quelle que soit la manière dont je me les étais procurées, toujours est-il que les tartines étaient nombreuses, et qu’en arrivant à l’endroit où la berge s’élevait tout à coup, je m’y arrêtai pour distribuer aux cygnes leur pitance quotidienne.

Tous les six, les ailes frémissantes, le cou fièrement arqué, traversèrent le bassin pour venir à ma rencontre, et furent bientôt devant la place que j’occupais. Le bec ouvert et tendu, les yeux ardents, ils épièrent mes moindres gestes, et prirent une à une